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Titre du blog : scénario-en-ligne
Auteur : auteurscenariste
Date de création : 02-11-2014
 
posté le 03-11-2014 à 10:31:03

UN IMPOSSIBLE RÊVE – Scénario dialogues 8

 

 

 

 

Scène 206 – CAMPUS – EXT/JOUR

 

 

Campus. EUROPE marche sur une allée du campus qui est désert. Elle se dirige vers un banc. Elle s’assoit sur le banc et met sa tête entre ses mains. 

 

 

 

Scène 207 –  CAVERNE – INT/JOUR

 

 

Caverne. Dans un contre jour, EUROPE assise face à une QUINQUAGÉNAIRE, qui porte une tunique blanche et une couronne de fleurs sur des cheveux longs. Leurs deux visages sont proches. Fumées montantes d’un feu de bois. (Reprise d’un extrait de la SEQU.10).

 

 

La QUINQUAGÉNAIRE  

 

As-tu déjà réfléchi aux limites que peuvent atteindre ta conscience ? 

 

(EUROPE redresse légèrement la tête.) 

 

Des philosophes de l’antiquité se sont déjà posés ce genre de question. Alors ils ont essayé de pousser plus loin les limites de leur conscience. Aussi loin qu’ils le pouvaient… 

 

 

 

Scène 208 –  MUSÉE – INT/JOUR      

 

Musée avec un tableau représentant l’enlèvement d’Europe. Face au tableau, EUROPE JEUNE FILLE tenant la main à son PERE. Les deux personnages sont de dos. (Reprise d’un extrait la SEQU.5 et répétition de la SEQU.200)

 

 

PERE d’EUROPE 

 

Le taureau attend le moment où elle tient fermement ses cornes pour l’emporter dans sa course. C’est comme ça que Zeus enlève Europe.

 

(traduire en grec. Mettre sous-titres)

 

 

 

Scène 209 – CENTRE de RECHERCHE – INT/JOUR

 

Salle du Centre de Recherche. PIERRE GERMONT s’adresse à EUROPE. (Extrait de la SEQU.203).

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Ces animaux ont une force colossale que vous n’imaginez sans doute même pas. Si vous essayez d’entreprendre quoi que  ce soit avec ce taureau, en deux secondes il vous mettra par terre sans le moindre état d’âme. 

 

 

Scène 210 – CAMPUS – EXT/JOUR

 

Campus. Reprise de la SEQU 206. EUROPE assise sur le banc la tête entre ses mains, redresse la tête. Elle se lève, quitte le banc, poursuit son chemin sur l’allée du campus. 

 

 

 

Scène 211 – RUE d'UNE VILLE – EXT/JOUR

 

Rue d’une ville, avec cafés et boutiques, dans la soirée. A côté, une gare, d’où sortent des usagers. Les réverbères sont allumés. EUROPE avance dans la rue en attardant son regard sur les endroits animés de la rue. 

 

 

Scène 212 – CENTRE de RECHERCHE – INT/JOUR

 

Salle du Centre de Recherche. PIERRE GERMONT s’adresse à EUROPE. (Extrait de la SEQU.203).

 

 

PIERRE GERMONT

 

Vous voilà touchant la lumière.

 

 

Scène 213 – CAMPUS – EXT/NUIT

 

 Campus. EUROPE marche sur une allée du campus qui est éclairé par des réverbères. (Elle marche en sens inverse par rapport à la SEQU. 206). 

 

 

Scène 214 – CENTRE de RECHERCHE – INT/NUIT

 

Salle du Centre de Recherche. EUROPE entre. Atmosphère studieuse. EUROPE remarque la présence de JEAN-FRANÇOIS, qui s’occupe de faire sortir des documents. Elle le salue. Elle passe près de JACQUES et MICHEL qui, devant un écran, travaillent les images filmées du véhicule. Elle rejoint PIERRE GERMONT. Elle repère, à nouveau, le téléphone. Elle prend le téléphone en interrogeant le professeur du regard. PIERRE GERMONT acquiesce d’un mouvement de la tête. EUROPE met le téléphone à son oreille. Bruit d’une sonnerie de dérangement. EUROPE, d’un geste rageur, coupe le contact.

 

 

EUROPE (en colère) 

 

Puisque c’est comme ça, demain matin, j’irai le voir et, croyez-moi, il va falloir qu’il s’explique !

 

 

PIERRE GERMONT

 

Demain matin, ça ne sera pas possible.

 

 

EUROPE 

 

Et pourquoi ça ?

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Il y a une enveloppe qu’il faut remettre en main propre au collègue d’une université voisine et, pour cela, je compte fermement sur vous pour y aller dès que possible, demain, dans la matinée.

 

 

EUROPE (se lamente) 

 

Oh non…  

 

(Elle se ravise).  

 

J’espère que vous ne prenez pas mal mon désarroi, Monsieur Germont.

 

 

PIERRE GERMONT (saisit un paquet de feuilles sur sa table et va voir JEAN-FRANÇOIS) 

 

Est-ce que vous pouvez me mettre ces documents sous pli ?

 

 

JEAN-FRANÇOIS (en prenant les feuilles) 

 

Je vous prépare votre courrier.

 

 

PIERRE GERMONT revient vers son bureau. EUROPE s’approche de lui pour lui parler à voix basse.

 

 

EUROPE 

 

Au fait, Monsieur Germont, les taureaux, vous les connaissez.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Pourquoi vous me dites ça ?

 

 

EUROPE 

 

Pourquoi ? Mais parce que si la solution ne peut venir de Monsieur Castillon, elle peut peut-être venir de vous.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Écoutez, ce n’est pas le moment…

 

 

EUROPE (insistante / à voix basse) 

 

Il paraît même que vous avez des taureaux en Camargue et que vous participez à des courses taurines.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Je m’en suis déjà occupé de ce taureau et, en ce moment, je n’ai pas le temps. 

 

 

EUROPE 

 

Mais ce taureau vous concerne autant que moi. Et nous arrivons à cette situation absurde où c’est moi qui vais devoir lui attraper les cornes et non pas vous.

 

 

PIERRE GERMONT (à voix basse) : 

 

Vous voulez agir selon un mythe que vous interprétez au pied de la lettre. Je n’y suis pour rien. 

 

 

EUROPE 

 

Alors, dites moi comment l’interpréter. 

 

 

Avant de prendre le temps de lui répondre, le professeur s’échappe. Il rejoint JEAN-FRANÇOIS qui lui remet une enveloppe kraft et revient vers son assistante. 

 

 

PIERRE GERMONT (A voix basse / A EUROPE) 

 

Je me suis déjà déplacé pour essayer de récupérer ce taureau. Ensuite, je vous ai proposé moi-même de rencontrer son propriétaire. Et je l’ai fait. Et rappelez-vous que c’est ici même et grâce à nos machines que vous avez pu retrouver sa trace. Et quand je dis « grâce à nos machines », je devrais plutôt dire « à cause d’elles », parce que si je ne vous avais pas permis de le retrouver, on n’en serait pas là aujourd’hui. Aussi, je vous prie dorénavant de ne plus rien me demander au sujet de cet animal.

 

 

 (PIERRE GERMONT pose son enveloppe sur le coin d’une table. Il prend un stylo et note à la hâte des indications sur l’enveloppe. / Il reprend l’enveloppe). 

 

 

Quant à mon courrier, vous devez le remettre sans faute demain matin, en vous rendant au lieu qui est indiqué dessus et en le remettant directement à la personne dont le nom est également inscrit sur l’enveloppe. C’est un courrier très important et urgent : je compte donc sur la confiance que j’ai en vous pour que ces documents arrivent à bon port, comme convenu. 

 

 

Il tend l’enveloppe d’un geste ferme.

 

 

EUROPE (avec une petite voix) 

 

C’est entendu

 

(Elle prend l’enveloppe). 

 

Votre courrier sera remis comme convenu. 

 

 

PIERRE GERMONT

 

A la bonne heure ! Maintenant, si ça vous intéresse, je peux vous proposer de vous joindre à nous pour notre premier essai en extérieur du kinétope. Je pense que cela devrait vous permettre de vous changer un peu les idées. 

 

(Il regarde en direction de la baie).  

 

La nuit est suffisamment avancée. Dès que Michel et Jacques auront terminé leur travail, nous pourrons nous lancer dans notre épopée fantastique. 

 

 

Scène 215 – HANGARS DÉSAFFECTÉS – EXT/NUIT

 

Hangars désaffectés, près d’un champ. Devant les hangars, sur un chemin de terre une voiture noire ordinaire. Autour de la voiture, PIERRE GERMONT, JACQUES, NAKISSA, MICHEL et EUROPE. MICHEL tient le drone et JACQUES possède une console de télécommande qui comprend un mini écran de téléguidage. MICHEL pose le drone devant le véhicule. JACQUES l’actionne pour qu’il s’élève dans l’air. L’instant d’après, devant la voiture noire, apparaît l’hologramme de la voiture blanche qui ressemble à s’y méprendre, au Roadster de MONSIEUR FERBONO. Chacun prend place dans le véhicule. PIERRE GERMONT prend le siège du conducteur et JACQUES, qui maintient avec attention la console, s’installe à côté. NAKISSA, MICHEL et EUROPE prennent place dans la promiscuité d’une banquette arrière. Les portières claquent. Les deux voitures allument leurs phares et démarrent, la voiture noire donnant l’impression de suivre la voiture blanche. Les deux voitures avancent sur le chemin de terre. 

 

 

 

Scène 216 – VOITURE NOIRE – INT/NUIT (avec alternance EXT/NUIT)

 

Voiture noire. La voiture roule sur le chemin de terre, dans un espace totalement désert. Chacun se concentre sur le prototype blanc que téléguide JACQUES. La voiture blanche, qui n’est pas facile à diriger, zigzague en quittant par moments la route ou donne l’impression de décoller du sol. Des clameurs et éclats de rire de la part des passagers. 

 

 

JACQUES 

 

Oh bordel… on ne peut pas diriger comme on veut.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Regardez vos repères sur votre écran.

 

 

Le chemin traverse un bosquet. La voiture blanche frôle des troncs d’arbres.

 

MICHEL

 

Attention !

 

NAKISSA 

 

Ouh la la, je ne veux pas voir ça ! 

 

 

EUROPE, comme NAKISSA tourne la tête.

 

 

JACQUES 

 

On se calme derrière…

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Évitez de le déconcentrer.

 

Ils arrivent à une bifurcation qui mène à une petite route goudronnée de campagne. La voiture blanche s’arrête et réussit avec brio à prendre l’axe de la route de campagne. Clameurs d’enthousiasme.

 

 

TOUS 

 

Oui ! Bravo ! 

 

La voiture blanche avance sur la route de campagne faiblement éclairée. Elle parvient peu à peu à se stabiliser plus ou moins. Mais, à un moment, elle dérape et roule sur un trottoir avant de reprendre l’axe de la route. 

 

 

NAKISSA 

 

Ouh la !  Ouh la !  

 

 

MICHEL 

 

Il n’y a pas de piéton.

 

 

JACQUES (qui fixe son regard sur l’écran de la console) 

 

Pas facile, je vous dis…

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Je vais ralentir, car maintenant on va rejoindre un axe plus important. 

 

 

NAKISSA 

 

Aïaïaille ! 

 

Au moment de rejoindre une deux voies (une nationale), la voiture blanche fait une nouvelle embardée, mais réussit à reprendre sa trajectoire, suivie de la voiture noire. Chacun retient son souffle.

 

 

NAKISSA (alors que la voiture rejoint la deux voies) 

 

Ouf…

 

Une voiture vient doubler les deux voitures sur la file de gauche. 

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Je vais devoir accélérer.

 

Les deux voitures accélèrent simultanément. Mais avec la vitesse, la voiture blanche reprend ses zigzags, en mordant sur la ligne blanche par instants. 

 

NAKISSA 

 

Ouh la la ! Les autres vont croire que le chauffeur est bourré… 

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Ne regardez pas devant.

 

 

JACQUES 

 

Mais là-bas, il y a un camion.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

On va le doubler. Mais ne vous en occupez pas, c’est moi qui tiens le volant. Dites moi quand vous êtes prêt pour que je change de file. 

 

 

EUROPE affiche une mine inquiète. / Peu à peu,  JACQUES parvient à stabiliser le véhicule blanc.

 

JACQUES 

 

C’est bon…

 

 

PIERRE GERMONT met son clignotant et les deux voitures, ensemble, changent de file. 

 

 

PIERRE GERMONT (en regardant dans le rétroviseur) 

 

Il y a une voiture derrière nous, mais vous ne vous en occupez pas. 

 

(La voiture blanche s’approche du camion). 

 

Qu’est-ce que vous voulez comme vitesse ? Pareil ou je ralentis ?

 

 

JACQUES 

 

Ralentissez un peu…

 

PIERRE GERMONT fait ralentir les deux voitures. Mais le prototype blanc frôle le poids lourd au moment du dépassement et récolte une injure de coups de klaxon. 

 

 

MICHEL

 

En fait, même virtuelle cette voiture peut provoquer un accident. 

 

 

PIERRE GERMONT

 

S’il y a un risque, il ne faut pas hésiter à la faire disparaître. 

 

 

JACQUES 

 

On ne doit pas se rabattre ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Non. Parce qu’on va doubler la voiture qui suit.

 

Les deux véhicules doublent la voiture, cette fois sans difficulté. Puis les deux véhicules se rabattent. 

 

 

TOUS (en chœur) 

 

Ouais ! 

 

La voiture qui était derrière double les deux voitures, mais klaxonne en passant devant la voiture blanche qui, aussitôt réagit par un nouveau zigzag. S’ensuit une nouvelle pluie de coups de klaxon. 

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Ne vous laissez pas perturber.

 

 

JACQUES 

 

Il a commencé par klaxonner sans raison, ce connard !

 

 

PIERRE GERMONT 

 

C’est parce qu’il a vu tout à l’heure, quand le prototype a doublé le camion. 

 

 

NAKISSA 

 

C’est ce que je disais. Les autres qui voient ça, croient que le chauffeur est bourré.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Maintenant, on va tenter une autre manipulation.

 

 

JACQUES 

C’est quoi ?

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Vous allez laisser le prototype en pilotage sur l’axe de droite. Après on va le doubler. 

 

 

JACQUES 

Ok…

 

La voiture noire double la voiture blanche sans incident.

 

 

MICHEL 

 

Bravo !

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Maintenant, on va inverser le processus. C’est vous qui doublez

 

(A JACQUES) 

 

Prêt ?

 

 

JACQUES 

 

Il n’y a pas un feu tricolore plus loin ?

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Il va être sur l’orange clignotant.

 

 

JACQUES 

 

Normalement, il faut ralentir.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Ça va… On respecte la limitation… Vous êtes prêt ?

 

 

JACQUES 

 

C’est bon…

 

 

PIERRE GERMONT

 

Continuez à regarder l’écran. 

 

 

EUROPE surveille, inquiète, le côté du véhicule où doit surgir la voiture blanche. / Le prototype blanc double la voiture noire avec de légères oscillations et se rabat juste avant le passage du feu à l’orange.

 

 

NAKISSA 

 

Ouf…

 

PIERRE GERMONT 

 

Ça va…

 

 

MICHEL 

 

Pas mal !

 

 

JACQUES 

 

Ce n’est pas évident…

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Maintenant, la voie est libre. On pourrait peut-être essayer d’accélérer…  

 

 

JACQUES 

 

Je suis prêt. On peut foncer.

 

 

PIERRE GERMONT

 

On ne va pas foncer. On va juste accélérer modérément. 

 

Les deux voitures accélèrent et,  de nouveau, le prototype blanc se met à zigzaguer.

 

 

JACQUES 

 

Il y a vraiment un souci, au moment de l’accélération.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Le problème vient du drone, je pense.

 

 

MICHEL 

 

Il y a un pont…

 

 

JACQUES 

 

Je passe dessus ?

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Oui, oui… 

 

 

La voiture blanche passe sous le pont et, au moment du passage, se met à clignoter légèrement.

 

 

MICHEL

 

Ni vu, ni connu. 

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Le pont n’était pas grand. Mais si c’est un tunnel…

 

 

JACQUES, à présent, fait passer la voiture prototype d’une file à l’autre. A chaque changement de file, la voiture zigzague avant de retrouver une stabilité. 

 

 

NAKISSA

 

En voilà une façon de conduire…

 

 

JACQUES 

 

Je m’exerce… 

 

 

Soudain, le prototype téléguidé, au moment de se rabattre sur la gauche, dérape pour se retrouver  sur la voie d’en face. Tous poussent un cri, tandis que JACQUES fait franchir un terre-plein au véhicule, pour qu’il retrouve la bonne voie. Les cris se transforment en rires.

 

 

NAKISSA (véhémente)   

 

Jacques, vous êtes un vrai chauffard. Vous ne savez pas conduire !

 

 

JACQUES (fâché, se retourne) 

 

Ah bon…  je ne sais pas conduire. Et bien dans ce cas je vous laisse les commandes ! 

 

 

Il prend la console, pour la passer à l’arrière. La voiture prototype en vient à tourner sur elle-même. NAKISSA repousse vivement la console.

 

 

NAKISSA (hurlant) 

 

Non ! Mais vous êtes fou !

 

 

JACQUES 

 

Mais tenez !…  On va voir si vous allez mieux arriver que moi.

 

 

La voiture blanche se met à rouler de manière chaotique, partant par moments, sur l’herbe du côté.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Jacques, je vous demande de reprendre immédiatement la commande du drone. Ce que vous faites est inconscient.

 

 

EUROPE 

 

C’est aussi très dangereux. 

 

 

JACQUES (qui obtempère) 

 

Ok, ok… 

 

Le prototype blanc reprend la route. Mais à l’arrière du véhicule, un lointain bruit de sirène de voiture de police. 

 

 

MICHEL 

 

Qu’est-ce que c’est ? 

 

(Il se retourne, aperçoit au loin le gyrophare de la voiture de police). 

 

Oh… ce sont les flics ! A tous les coups, c’est pour nous…

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Mais non, ce n’est pas pour nous, c’est pour la voiture qui est devant, de toute façon.

 

 

JACQUES 

 

Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

 

 

PIERRE GERMONT 

 

On est dans une expérience. Donc, on la poursuit jusqu’au bout. Pourquoi on s’arrêterait ? 

 

(Il regarde dans le rétroviseur). 

 

Ils se rapprochent. Il faut prendre la première sortie. 

 

 

NAKISSA 

 

Alors là, c’est sûr… Ferbono n’a plus de permis !

 

 

PIERRE GERMONT (en indiquant l’embranchement de sortie) 

 

C’est  ici…  

 

(Les deux voitures prennent l’embranchement). On prend la première route étroite qu’on trouve. Il ne faut pas que la voiture de police puisse  avoir assez de place pour doubler.

 

 

MICHEL (en se retournant / criant) 

 

Ils s’approchent. Ils viennent de prendre l’embranchement !

 

 

JACQUES (regarde sur son écran / en criant) :

 

J’en vois une ! Sur la gauche… Une toute petite route de campagne.  

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Il faut la prendre. Concentrez-vous pour ne pas rater le virage.

 

Le bruit de la sirène s’intensifie.

 

MICHEL (qui se retourne / en criant) 

 

Ils sont juste derrière nous !

 

La lumière du gyrophare de la voiture de police vient éclairer l’habitacle. La voiture prototype s’engage dans le chemin étroit, suivie de la voiture noire et de la voiture de police. La voiture de police lance des appels de phares. 

 

 

JACQUES

 

Et là, qu’est-ce qu’on fait ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Vous élargissez de 100 mètres la distance limite avec le prototype.

 

 

JACQUES

 

Mais on va le perdre de vue.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Tant pis. Vous pouvez le conduire à l’aveugle de toute façon. C’est modifié ?

 

 

JACQUES (en appuyant sur un bouton)

 

Voilà… 

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Dès que je trouve un endroit pour me mettre de côté, je laisse passer la voiture de police…

 

 (Il regarde sur le côté). 

 

En voilà un, justement. 

 

 

Tandis que PIERRE GERMONT ralentit, le prototype blanc s’éloigne. PIERRE GERMONT se place de côté.

 

 

JACQUES

 

Et après ?  On fait quoi ?

 

 

La voiture de police double la voiture noire. PIERRE GERMONT éteint aussitôt les phares, comme si la voiture allait s’arrêter,  mais une fois que la voiture de police s’éloigne, il reprend la route, tout phare éteint.

 

 

PIERRE GERMONT

 

On continue.

 

 

NAKISSA

 

Quoi !

 

 

Cris de stupeurs. La voiture s’enfonce dans un paysage totalement obscur, simplement éclairé par intervalles par la lueur bleue du gyrophare.

 

 

MICHEL

 

Vous arrivez à voir quelque chose de la route ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Ça va…

 

 

NAKISSA (A EUROPE)

 

Non mais vous vous rendez compte à quoi il nous fait participer.

 

 

EUROPE (avec un rire nerveux / A NAKISSA)

 

Non, je ne me rends pas compte. Heureusement.

 

 

Peu à peu, la vue se dégage, ce qui permet d’apercevoir au loin le prototype blanc, suivi de la voiture de police. Les trois voitures avancent au milieu des champs. 

 

 

JACQUES

 

Les phares de la voiture de devant ne sont pas très puissants. 

 

 

PIERRE GERMONT

 

Tant pis…  Continuez à regarder votre écran. Vous pilotez beaucoup mieux en restant sur votre écran.

 

 

MICHEL (en regardant au loin)

 

On arrive sur un chemin de terre.

 

La voiture se met à cahoter.

 

 

JACQUES (en regardant l’écran)

 

Les amis, j’ai une nouvelle à vous annoncer. Notre merveilleux chemin est une impasse.

 

 

NAKISSA 

 

Et là, on fait quoi ?

 

 

JACQUES 

 

Pas la peine de se poser la question. Avec ces secousses, moi je ne vais pas réussir à tenir longtemps les commandes de toute façon.

 

 

MICHEL (qui regarde toujours en face)

 

Là-bas ! il y a une barrière…

 

 

JACQUES

 

Une barrière… C’est foutu.

 

 

 

PIERRE GERMONT (en arrêtant la voiture)

 

Fin de l’expérience. 

 

 

JACQUES

 

Je laisse filer ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Oui… Ça nous donnera le temps de disparaître. 

 

Au même instant, le prototype blanc franchit la barrière et finit par s’évanouir de l’autre côté. Stupeur des passagers. La voiture de police s’arrête devant la barrière et aussitôt trois policiers en uniforme sortent du véhicule afin d’inspecter sous tous ses angles, dans la lueur des phares, l’obstacle qui se révèle intact. Rire des passagers. PIERRE GERMONT, tout feu éteint, effectue une lente et prudente marche arrière. Il réussit à percevoir l’entrée d’un champ pour effectuer un demi-tour. Il remet les phares au véhicule. L’instant d’après, la voiture s’arrête : JACQUES descend pour aller récupérer son drone. Il revient dans la voiture avec l’engin et ferme la portière. La voiture de police arrive à son tour, le gyrophare éteint et passe devant la voiture noire. La voiture noire reprend la route. 

 

Scène 217 – SALON/SALLE A MANGER APPARTEMENT d'EUROPE – INT/NUIT

 

Appartement d’EUROPE. Salon/Salle à manger. Bruit de clef dans la serrure. EUROPE entre, pose ses affaires, dont l’enveloppe confiée par PIERRE GERMONT qu’elle met, en évidence, sur la table basse. Elle se laisse tomber dans le fauteuil, montrant d’abord un effet de  soulagement. L’instant d’après elle se relève, disparaît un instant, revient avec un verre (dont on ignore le contenu). Elle s’assoit à nouveau dans le fauteuil. Elle boit par petites gorgées et semble réfléchir en même temps. Elle vide le verre, le pose sur la table basse à côté de l’enveloppe et garde un instant son regard fixé sur l’enveloppe. Elle reprend une position confortable dans le fauteuil et replie ses jambes devant elle. Elle demeure pensive. Un moment, une larme se met à couler. Elle l’essuie d’un revers de la main. De nouveau, son regard fixe l’enveloppe.

 

 

VOIX OFF de PIERRE GERMONT 

 

Quant à mon courrier, vous devez le remettre sans faute demain matin, en vous rendant au lieu qui est indiqué dessus et en le remettant directement à la personne dont le nom est également inscrit sur l’enveloppe. C’est un courrier très important et urgent. 

 

 

Dans un réflexe soudain, EUROPE bondit hors du fauteuil et arrache l’enveloppe confiée par le professeur. Elle en sort les feuilles et constate que toutes sont blanches. Elle pousse un cri. 

 

 

 

Scène 218 – COULOIR CENTRE RECHERCHE – INT/ NOIR

 

Couloir du Centre de Recherche. EUROPE avance d’un pas chancelant. Elle arrive devant la première porte et prend appui contre le mur. Elle sort sa carte, la met dans le boîtier. La porte coulisse. Elle se redresse, avance, arrive à la seconde porte. Elle entend des exclamations enjouées. Elle prend de nouveau appui contre le mur mais cette fois, afin de pouvoir entendre ce qui se dit. A certains bribes de phrases : « tour d’Europe », « taureau voyageur », « fable d’Europe », elle comprend qu’on parle d’elle. Mettant sa tête entre ses mains, elle retient ses larmes. Tout à coup, elle se redresse, tape le code et ouvre brusquement la porte.

 

 

 

Scène 219 – CENTRE DE RECHERCHE – INT/JOUR

 

Centre de Recherche. EUROPE se tient immobile devant la porte. Le silence est immédiat, clouant sur place, le groupe des personnes présentes près de l’entrée : JACQUES, NAKISSA, MICHEL, GHASSEN, qui tiennent tous une tasse de café à la main. A côté d’eux, une cafetière posée sur une des tables transparentes. Des paupières se baissent et des regards fuient. Une gêne palpable. Au loin, de derrière un bureau, PIERRE GERMONT se lève. Il décide de s’approcher. Également présent au fond de la salle : JEAN-FRANÇOIS.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Vous deviez remettre une enveloppe…

 

EUROPE s’avance à son tour vers le professeur, en semblant faire des efforts de dignité.

 

 

EUROPE 

 

Si je vous dis que les feuilles étaient blanches, qu’est-ce que vous allez me faire croire à présent, Monsieur Germont ? Que vous écrivez vos messages à l’encre sympathique ?

 

Les lèvres du professeur se resserrent, mais son regard se teinte de compassion.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Je n’avais pas d’autre choix. Il fallait que j’aille moi-même au bout de ma propre mission. 

 

 

EUROPE (en retenant un sanglot) 

 

Votre mission ? Vous appelez ça une mission de trahir la confiance d’une personne et  de toucher à ses espérances les plus chères ? Je vous avais ouvert mon cœur, mais vous, avec une froideur inhumaine, vous avez vu là l’opportunité de prendre le contrôle de mes pensées. 

 

(Elle baisse la tête). 

 

Vous m’avez anéantie. Maintenant, je ne vis plus qu’un cauchemar. Je suis perdue.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Mais je n’ai pas agi de manière intéressée.

 

 

EUROPE 

 

Oui, je sais ce que vous allez me dire. Que vous avez agi pour une cause supérieure. Que vous avez pensé au progrès et à l’humanité. Et apparemment, je ne dois pas faire partie de cette humanité, puisque vous n’avez pas pensé à moi…

 

Elle doit s’interrompre pour essuyer ses larmes.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Il est certain qu’on ne pouvait pas totalement vous épargner. Cela nous a affectés également et moi surtout. Mais derrière ce projet, il s’agit de redonner de l’espoir à des individus dont les illusions sont, croyez-moi, plus graves que les vôtres. 

 

 

NAKISSA

 

Pour vous, c’est peut-être une torture morale. Mais il existe des hommes et des femmes qui subissent à la fois une torture physique et morale et ces gens-là nous appellent à l’aide… 

 

 

EUROPE

 

Vous allez peut-être me reprocher d’être égoïste, à présent !

 

 

NAKISSA

 

Non. On vous demande seulement de comprendre nos priorités.

 

 

MICHEL

 

Ce ne sont pas seulement quelques victimes qui sont concernées. Ce sont des populations entières. 

 

 

JACQUES

 

Et il y a aussi le danger que la tyrannie représente pour n’importe quel peuple au monde. 

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Il y a aussi que, pour ne pas laisser le champ libre aux manipulateurs, il faut que la manipulation change de camp.

 

 

EUROPE

 

Mais vous ne voyez pas que je me retrouve seule, seule avec ma douleur, contre vous tous !

 

 

NAKISSA

 

Mais non, on n’est pas contre vous. Cela n’enlève rien à la profonde estime que nous avons pour vous.

 

 

EUROPE (en se retournant)

 

A quoi elle me sert votre estime, si je ne peux même pas en avoir pour moi-même ? Vous m’avez ridiculisée, humiliée, mise plus bas que terre ! Je me suis retrouvée à croire en des situations absurdes, à m’angoisser jour et nuit pour des faits qui n’existaient même pas…

 

 

NAKISSA

 

Oui, mais vous avez eu des compensations en échange.

 

 

GHASSEN

 

Et de toute façon, ce n’était que provisoire. Donc on n’a pas vraiment cherché à vous mentir. On savait que vous alliez découvrir la vérité, à un moment ou à un autre… 

 

 

PIERRE GERMONT

 

Et puis, d’après vous, qui est-ce qui n’est pas illusionné, en ce moment ? Enlevez toutes les vérités chimériques qui existent dans ce monde et vous verrez qu’il ne reste pas grand-chose…

 

 

EUROPE (criant)

 

Mais vous vous donnez tous bonne conscience ! De toute façon, j’étais celle qu’il fallait sacrifier sur l’autel de la science. Et vous pendant ce temps-là, vous savourez votre victoire… 

 

EUROPE se retourne et se dirige sans hésitation vers la sortie.

 

 

PIERRE GERMONT (en allant vers elle) 

 

Où allez-vous ? 

 

 

EUROPE (en essuyant de nouvelles larmes)

 

Je ne supporte plus de rester ici. Je rentre… 

 

 

PIERRE GERMONT

 

Dites-moi… Quelle chose vraiment essentielle, je vous ai dissimulé ?

 

 

EUROPE (en le regardant avec mépris)

 

Que je n’étais rien d’autre que votre cobaye.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Si je comprends bien, j’aurais dû vous prévenir que vous alliez servir de cobaye. C’est ça ce que vous me reprochez en fin de compte. Mais il suffisait que je vous le dise pour que ça ne soit plus la vérité. Je vous aurais donc menti, n’est-ce pas ? 

 

 

EUROPE

 

Vous jouez encore avec votre science du langage, Monsieur Germont. Mais en tout cas, vous ne jouerez plus avec moi.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Vous n’avez jamais entendu dire que l’on utilisait des cobayes, parfois humains, pour la Recherche ? Vous n’étiez pas au courant, non plus, du projet « taureau blanc »  ? Vous n’avez pas assisté à nos démonstrations, nos tests ?

 

 

EUROPE

 

Ce n’est pas ce que je vous reproche…

 

 

PIERRE GERMONT

 

Dans ce cas, cela signifie que vous aviez tous les éléments pour réfléchir, analyser, juger et vous faire un esprit critique.

 

 

EUROPE

 

Si j’ai perdu mon esprit critique, c’est parce que je vous ai cru irréprochable. C’était une erreur, en effet. Vous êtes peut-être généreux avec l’humanité ; avec moi vous avez été infect.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Sans esprit critique, on n’est plus capable de discernement. 

 

 

EUROPE (en s’approchant pour parler plus bas)

 

Oui, mais vous oubliez quand même un détail. (Elle le fixe d’un regard direct). Vous avez mêlé les sentiments à cette expérience. Vos paroles, vos gestes, mais pas seulement… l’histoire que vous avez choisie… Une histoire d’amour, en fin de compte. Je ne pouvais que succomber. Et pourtant… sans savoir qui vous étiez vraiment. Et la fois où vous m’avez embrassée… C’était pour l’expérience, aussi ?

 

 

PIERRE GERMONT (calme)

 

Écoutez, je suis prêt à m’expliquer. Mais vous devez déjà comprendre que vous n’êtes pas en état de partir. Cette expérience a semé la confusion dans votre esprit. À présent vous ne pouvez plus, sans notre aide, départager le faux du vrai.

 

(Il la prend par le bras, la tire doucement, pour l’inviter à rejoindre son bureau). 

 

Qu’on m’apporte une chaise. 

 

(JEAN-FRANÇOIS apporte une chaise). 

 

Asseyez-vous.

 

 

EUROPE (en se laissant tomber sur la chaise) 

 

Alors ? vos explications ? 

 

 

PIERRE GERMONT

 

Il y a plein de choses que vous devez apprendre. Mais avant, nous devons vous interroger.

 

 

EUROPE

 

M’interroger ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Oui. C’est une sorte de test, en fin de compte.

 

 

EUROPE

 

Un test ? Je n’y répondrai pas.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

C’est pourtant une occasion, pour vous, de vous exprimer.

 

 

EUROPE

 

Je ne suis pas en état. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Il m’a fallu toute la nuit pour 

ouvrir les yeux. Et maintenant, j’aimerais les fermer. 

 

Elle ferme les yeux.

 

 

PIERRE GERMONT

 

On ne va pas vous empêcher de dormir. Mais on doit contrôler votre état psychologique.

 

 

EUROPE (les yeux toujours fermés)

 

Vous voulez savoir si vous avez réussi à me rendre folle ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Je vais aller demander à Nakissa de venir vous interroger.

 

 

EUROPE (ouvre les yeux)

 

Pourquoi ce n’est pas vous ?

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Il vaut mieux que ce soit une femme. 

 

 

PIERRE GERMONT s’éloigne. NAKISSA rejoint le bureau près duquel EUROPE a été assise. Elle tient un bloc de papier et un crayon dans une main. De l’autre main, elle attrape une chaise et s’assoit en face d’EUROPE. Elle cale son bloc sur ses genoux. (Discussion en champ contre-champ)

 

 

NAKISSA

 

On voudrait savoir ce que vous avez pris pour vrai et ce que vous avez pris pour faux.

 

 

EUROPE

 

Pour cela, Nakissa, une seule de mes réponses devrait suffire. Tout était faux. Vous avez profité d’une faille, mon prénom, pour me faire jouer le rôle d’Europe, dans une pièce burlesque montée par vos soins.

 

 

NAKISSA 

 

Alors, dites-moi dans ce cas, s’il n’y a pas des détails, des faits précis, qui vous ont alerté au sujet de notre " pièce " comme vous dîtes.

 

 

EUROPE (réfléchit)

 

C’était surtout au début. La première fois que je suis entrée ici. J’avais ressenti une gêne. J’avais l’impression d’être observée comme une bête curieuse. Et il y a eu notamment ces deux étudiantes pressées de partir au moment où je suis allée à leur rencontre. Ces étudiantes que je n’ai d’ailleurs jamais revues…  

 

 

Scène 220 – CENTRE de RECHERCHE  – INT/JOUR

 

Salle du Centre de Recherche. EUROPE parle aux deux étudiantes : MÉLANIE et SHUN.  (Extrait de la SEQU.38).

 

 

MÉLANIE (à PIERRE GERMONT)

 

On aimerait bien aller déjeuner.  Ça pose problème ? 

 

 

EUROPE

 

Attendez…  

 

(Elle va à la rencontre des deux étudiantes et leur tend la main). 

 

Je tiens quand même à vous saluer, puisque nous aurons l’occasion de nous revoir. Et aussi à vous féliciter pour votre travail. 

 

 

MÉLANIE (en prenant la main avec embarras)

 

Oh, ce qu’on a fait, ce n’est rien pour l’instant. On est désolée, mais on doit y aller tout de suite.

 

 

SHUN  

 

Oui, on doit vraiment y aller…

 

 

 

Scène 221 –  CENTRE de RECHERCHE  – INT/JOUR

 

Salle du Centre de Recherche.

 

En plan rapproché, une photocopieuse en marche, avec des feuilles qui tombent dans le tiroir. Par un panoramique accéléré on glisse de ce plan à celui d’EUROPE, assise sur sa chaise, vue de dos. Le plan est assez rapproché pour que l’on ne puisse rien voir d’autre que son dos. En fond sonore, le bruit de la photocopieuse, relayé par la voix de NAKISSA.

 

 

VOIX de NAKISSA 

 

Nous avons fini. Je vais vous laisser vous reposer. 

 

 

NAKISSA se lève, s’éloigne du bureau. Elle rencontre PIERRE GERMONT, qui arrive dans l’autre sens. Au moment de se croiser PIERRE GERMONT et NAKISSA échangent quelques paroles à voix basses. PIERRE GERMONT rejoint EUROPE et s’assoit à la chaise où était précédemment assise sa collègue. 

 

 

EUROPE

 

Je peux y aller maintenant ? 

 

 

PIERRE GERMONT semble vouloir prendre du temps avant de répondre.

 

 

PIERRE GERMONT

 

Ce sera en fin de compte beaucoup plus long que prévu.

 

 

EUROPE

 

Quoi donc ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Le temps de vous réadapter à une situation normale. 

 

 

EUROPE (inquiète) 

 

Qu’est-ce que ça veut dire ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Vous avez été coupée du monde pendant six mois environ.

 

 

EUROPE

 

Comment ça ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Depuis six mois, vous ignorez tout ce qui se passe dans le monde. Vous n’avez eu accès à aucune information réelle. Vous avez également été coupée de tout contact avec votre famille.

 

 

EUROPE

 

Mais c’est horrible… C’est un cauchemar !…

 

 (Elle attrape sa tête entre ses mains). 

 

Vous allez me rendre folle !

 

 

PIERRE GERMONT

 

Je vais vous conduire sur une de nos plateformes. Là-bas, vous pourrez vous reposer et récupérer. On s’occupera de vous, mais vous serez sous notre surveillance. Car vous restez encore au service de la Recherche. Je dispose à ce titre du droit de vous retenir contre votre gré

 

 

 

Scène 222 – PLATEFORME de LABORATOIRE ACCUEIL – INT/JOUR

 

Plateforme. Accueil. Un bâtiment informel, peint en blanc, un peu froid. A l’accueil, un gardien contrôle les passages. PIERRE GERMONT entre avec EUROPE, qui avance devant lui. Il s’approche du GARDIEN de la PLATEFORME et  lui présente des documents.

 

 

Le GARDIEN de la PLATEFORME

 

C’est bon. 

 

(Il indique un couloir)

 

Ce couloir-ci, au bout. 

 

(Il prend un téléphone). 

 

Je préviens…

 

 

PIERRE GERMONT

 

Merci.

 

 

Scène 223 –  PLATEFORME  COULOIR – INT/JOUR

 

Plateforme. Un couloir impersonnel, aux nombreuses portes toutes fermées. PIERRE GERMONT et EUROPE avancent vers le fond du couloir, au bout duquel se trouve une autre porte.

 

 

EUROPE

 

On est où ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Dans un lieu d’expérimentations. Derrière presque toutes ces portes, vous avez des laboratoires.

 

 

EUROPE

 

En fin de compte, vous m’avez enlevée…

 

 

PIERRE GERMONT

 

Et bien voilà votre rêve réalisé.

 

 

EUROPE

 

Mon rêve ?

 

Ils arrivent à la porte du fond. PIERRE GERMONT se tourne vers EUROPE.

 

 

PIERRE GERMONT 

 

N’est-ce pas le rêve d’Europe de se faire enlever par Jupiter ?

 

 

EUROPE (sèchement)

 

Vous vous trompez, si vous imaginez que je peux vous considérer comme Jupiter. Pendant six mois, vous vous êtes moqué de moi. Vous n’avez plus rien d’héroïque à mes yeux…

 

 

PIERRE GERMONT

 

Je comprends tout à fait que l’histoire des amours d’Europe et de Jupiter vous accablent. Dans ce cas, modifions nos personnages et inventons une autre histoire. J’ai une proposition à vous faire : le cow-boy et la cobaye. 

 

 

EUROPE (en se retournant)

 

Ce n’est pas drôle du tout ! Qu’est-ce qu’on attend ici ? 

 

 

PIERRE GERMONT

 

Quelqu’un doit venir nous ouvrir la porte. 

 

 

EUROPE (le regarde à nouveau)

 

C’est là où je vais rester dormir ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Tout à fait. 

 

 

EUROPE

 

Et vous ? Vous allez rester ? 

 

 

PIERRE GERMONT 

 

Je dois rester et ne plus vous lâcher d’une semelle. Je suis le seul à avoir le droit de vous garder en otage. Mais le gardien pourra quand même me prévenir si jamais, durant mon sommeil, il vous voit vous promener dans les couloirs… Tiens, j’ai une autre idée d’histoire pour nous deux : le ravisseur et la ravissante.

 

 

EUROPE (en s’éloignant)

 

Oh, arrêtez ! 

 

 

PIERRE GERMONT (en parlant bas) 

 

Je vous ai déçue, soit, mais maintenant, vous savez pourquoi vous ne pouviez pas être ma maîtresse. N’est-ce pas ?

 

 

EUROPE

 

Vous n’avez rien fait d’autre que de chercher à m’induire en erreur, Monsieur Germont. Voilà ce que je retiens…

 

 

PIERRE GERMONT et EUROPE sont interrompus par un bruit de talon. Une LABORANTINE, vêtue d’une blouse bleue, ouverte sur le devant, s’approche. Elle tient une pile de linge dans une main et un trousseau de clef, dans l’autre. Elle arrive devant la porte.

 

 

LABORANTINE (A PIERRE GERMONT) 

 

La personne que vous accompagnez, Monsieur Germont, va pouvoir s’installer. 

 

(A EUROPE). 

 

Vous voulez bien me suivre ? 

 

(Elle ouvre la porte et s’arrête sur le seuil). 

 

Vous serez installée dans ce dortoir. Personne n’aura le droit de venir ici, sans votre autorisation. Ceci est un change pour la nuit. Vous avez aussi des serviettes. Les sanitaires se trouvent au fond.

 

 

 

Scène 224 – PLATEFORME  DORTOIR –  INT/JOUR

 

Plateforme. Dortoir. Une grande salle aux murs en béton, couverts d’une couche de peinture blanche, avec plusieurs lits superposés. Au milieu, une table longue avec des chaises. Au fond, une porte donnant sur des sanitaires. Sur le côté, une autre porte donnant sur une salle contiguë. EUROPE visite les lieux. Elle inspecte d’abord le dortoir. La LABORANTINE pose le linge sur un des lits. PIERRE GERMONT avance jusqu’au seuil de la porte. 

 

 

LABORANTINE 

 

Un médecin va passer. Il doit vous examiner. Après, on vous apportera un repas. Souhaitez-vous que l’on vous apporte quelque chose en particulier, pour vos loisirs ?

 

 (EUROPE secoue négativement la tête). 

 

Bien.  Dans ce cas, je vous laisse. A bientôt. 

 

 

La LABORANTINE s’en va.

 

 

PIERRE GERMONT (en jetant un œil sur le cadre)

 

Pas terrible…

 

 

EUROPE 

 

Horrible, vous voulez dire.

 

 

Elle ouvre la porte des sanitaires et jette un œil à l’intérieur. 

 

 

PIERRE GERMONT

 

Ne vous fiez pas aux apparences. Des astronautes sont déjà venus passer des tests dans cette plateforme.

 

 

EUROPE (revenant dans la pièce)

 

Après ça, je comprends qu’ils aient eu envie d’aller dans l’espace. 

 

(Échange de sourires / Elle regarde la porte du côté). 

 

Et là, qu’est-ce que c’est ? C’est ouvert ?

 

 

PIERRE GERMONT

 

Je n’en sais rien. Mais je pense que votre curiosité va vous inciter vous même à trouver  la réponse.

 

 

EUROPE (ouvre doucement la porte)

 

Oh…

 

 

PIERRE GERMONT (resté sur le seuil)

 

Qu’avez-vous trouvé ?

 

 

EUROPE

 

Ce sont des souris… Plein de souris…

 

 

PIERRE GERMONT

 

J’espère qu’elles ne vous effraient pas.

 

 

EUROPE

 

C’est elles qui devraient être effrayées…