Scène 74 – PARIS QUARTIER LATIN – EXT/JOUR
Paris. Quartier Latin. Vitrine de boutique de livres anciens, dont certains livres avec enluminures posés sur des lutrins. Dans le reflet de la vitrine, silhouette d’EUROPE. EUROPE vue de dos, devant la vitrine, dans un plan d’ensemble. Elle poursuit son chemin et se dirige vers la terrasse d’une brasserie dont la façade, peinte en vert, avec une marquise et une enseigne en fer forgé, présente un charme stylé de l’ancien temps. Elle traverse la terrasse et entre dans la brasserie.
Scène 75 – BRASSERIE QUARTIER LATIN – INT/JOUR
Une brasserie aménagée avec style. Un parquet, des poutres apparentes… Sur les murs des posters de la Belle Époque et des niches aménagées en bibliothèque, contenant des ouvrages reliés. Léger brouhaha dans la salle, principalement occupée par des étudiants. EUROPE choisit une place sur une banquette. Une fois installée, elle reste un moment attentive à la présence de ses voisins de table : quatre étudiants, d’un côté, qui parlent de leurs études et, en face, une femme d’un style un peu bohème, seule également. Elle remarque, contre le mur, la niche avec les livres. Elle saisit un livre au hasard, mais ne trouve pas le temps d’ouvrir la page.
VOIX du GARÇON de CAFÉ
Et pour Madame, ça sera ?
EUROPE redresse la tête et remarque le GARÇON de CAFÉ.
EUROPE
Un café, s’il vous plaît.
Le garçon s’en va. Elle ouvre le livre, jette un œil sur la couverture, lit : « Traité de psychanalyse ». Elle feuillette des pages, s’arrête sur un chapitre pour le lire. Le GARÇON de CAFÉ pose le café sur la table. Elle reste plongée dans sa lecture.
Scène 76 – PARIS QUARTIER LATIN – EXT/JOUR
Paris. Une rue du Quartier Latin. EUROPE marche dans la rue en direction d’une station de métro. Elle s’arrête devant un groupe de jeunes mendiants et leurs chiens pour leur laisser une pièce. Elle continue son chemin, descend l’escalier de la station de métro.
Scène 77 – COULOIR CENTRE RECHERCHE – INT/NOIR
Couloir éclairé par des néons qui mène au Centre de Recherche (idem séquence 37). EUROPE glisse une carte magnétique dans le boîtier de la porte en fer. La porte en fer coulisse. Elle avance jusqu’à l’autre porte, à double battants en bois. Elle tape un code sur le digicode. La porte s’ouvre avec un bruit de déclic.
Scène 78 – CENTRE de RECHERCHE – INT/JOUR
Salle du Centre de Recherche. Dans l’espace de l’entrée, PIERRE GERMONT et MAXENCE miment une scène de corrida. Debout au milieu, un pied en avant, PIERRE GERMONT tient dans une main un paquet de copies disposées en éventail et, bras tendu, il secoue l’ensemble à ras le sol, comme une cape de corrida. Face à lui, MAXENCE se tient dans le rôle du taureau, courbé vers l’avant, avec, pour faire les cornes, deux crayons positionnées à l’horizontal contre sa tête. PIERRE GERMONT tourne brièvement la tête et remarque la présence de son assistante.
PIERRE GERMONT
Tiens bonjour.
EUROPE
Bonjour. Je crois bien que j’ai oublié mon appareil photo, aujourd’hui.
Le professeur continue de surveiller « son taureau ». MAXENCE poursuit son rôle avec application et se met à gratter le sol d’une chaussure. EUROPE se laisse emporter par un rire. MAXENCE, crayons en avant, fonce vers la cape en papier qui virevolte. Des « olé » se mettent à retentir, suivis de rires. PIERRE GERMONT rassemble ses copies et MAXENCE abaisse ses crayons. Le professeur rejoint son assistante.
EUROPE
Si vos étudiants savaient ça…
PIERRE GERMONT
Parlez-moi plutôt de votre soirée.
EUROPE
Et bien, en ce qui concerne le restaurant, c’est plutôt avec un dictionnaire de français qu’il aurait fallu y aller.
PIERRE GERMONT
La cuisine ne vous a pas plu ?
EUROPE
Oh si… bien au contraire. Le seul problème, c’est que je ne sais pratiquement pas quels ingrédients j’ai pu manger.
PIERRE GERMONT
Votre dictionnaire ne vous aurait pas beaucoup aidée. C’est de toute façon une terminologie qui appartient à la seule nomenklatura des chefs de cuisine.
EUROPE
Il m’a dit où se trouve le taureau.
PIERRE GERMONT
Il est en Angleterre, chez un producteur de cinéma.
EUROPE
Vous le savez déjà ?
PIERRE GERMONT
Il fallait bien que j’envoie un courrier pour avertir cette personne du danger qu’il court avec cet animal.
Le professeur s’éloigne pour récupérer, quelques bureaux plus loin, d’autres paquets de copies, placés dans des enveloppes. EUROPE le rejoint.
EUROPE
Alors, permettez-moi de vous dire que si vous ne vous occupez pas de ce taureau plus directement, la situation risque de devenir compliquée pour moi.
PIERRE GERMONT (interrompt son geste et se retourne)
Il vous a fait des avances ?
EUROPE
Oui.
Une moue pensive vient figer le visage du professeur.
PIERRE GERMONT
Je n’en ai plus pour longtemps avec mes affaires. Vous me raconterez ça une fois que nous serons seul à seul.
Scène 79 – COULOIRS BÂTIMENT PRINCIPAL AVEC ASCENSEUR – INT/JOUR
PIERRE GERMONT et son assistante marchent d’un pas décidé dans les couloirs de l’université. Le professeur a un bras encombré de dossiers.
PIERRE GERMONT
Que s’est-il passé ?
EUROPE
Ce n’est pas compliqué. Il veut m’épouser. Il se dit propriétaire du taureau et me fait un chantage.
PIERRE GERMONT
Et bien sûr, avec la fortune dont il dispose, il s’estime au-dessus des lois.
EUROPE
Il ne m’a pas parlé de ça. Il a prétendu que son taureau agissait à la manière d’un talisman et que la principale personne responsable, ce serait désormais moi, si je refusais, et non pas lui…
PIERRE GERMONT
Vous ne voyez pas qu’il vous a raconté ça pour noyer le poisson ?
EUROPE
Mais je vous ai pas dit que je l’avais cru.
PIERRE GERMONT
Mais peut-être avez-vous besoin de temps pour réfléchir à sa demande.
EUROPE
Oh, vous savez déjà qu’il ne m’intéresse pas. Nous n’avons rien de compatible. Ce serait vraiment céder à la facilité.
PIERRE GERMONT
Oui, je sais bien. Mais vous êtes libre, malgré tout.
(Ils arrivent devant les portes d’un ascenseur, échangent un regard complice, puis un sourire. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Le professeur indique d’un geste).
Après vous.
EUROPE s’introduit la première dans la cabine. En la rejoignant, le professeur glisse son bras libre autour de sa taille.
Scène 80 – ASCENSEUR – INT/NOIR
Cabine d’ascenseur.
PIERRE GERMONT (en appuyant sur le bouton du rez-de-chaussée)
Ce n’est pas avec le taureau que la confrontation doit se faire. C’est avec l’homme.
EUROPE
Le problème, c’est qu’il vous détestera au premier regard. Et plus encore, si vous dites qui vous êtes.
PIERRE GERMONT
Normal. C’est un jaloux.
EUROPE
Parce que je vous préfère à lui ?
PIERRE GERMONT
Il y a ça, mais pas seulement. Ces gens-là, généralement, sont jaloux du talent des autres et, plus particulièrement, ils n’aiment pas les créateurs et tout ce que représente le fait de créer. Créer, c’est faire comme Dieu. On peut y voir un pouvoir quasi-divin, qui est en contradiction avec le pouvoir que permet l’argent.
L’ascenseur arrive dans un léger hoquet. Tous deux quittent la cabine.
Scène 81 – HALL BÂTIMENT PRINCIPAL – INT/JOUR
Couloirs du rez-de-chaussée. PIERRE GERMONT et son assistante avancent côte à côte, en direction des portes de sortie.
EUROPE
Mais il prétend que vos inventions ne sont pas rentables et que vous ne savez pas être autonomes.
PIERRE GERMONT
Évidemment. Il cherche à nous prendre en défaut. D’après vous, pourquoi oblige-t-on des inventeurs à débourser des millions pour faire breveter leurs inventions ?
EUROPE
Je m’en doute. Pour que les brevets soient achetés par de riches financiers, comme ça, l’invention n’appartient plus à ceux qui inventent mais à ceux qui ont de l’argent.
PIERRE GERMONT
Vous avez deviné. De cette façon, on peut penser que l’argent permet tout, mais en fait, à la base, on a glissé dans notre constitution, des lois qui permettent aux voleurs de voler.
EUROPE (pensive)
Vous devez avoir raison. Cet homme semble obnubilé par des idées de pouvoir. Et pour que sa fortune lui assure un pouvoir absolu, il a décidé de se faire le plus grand collectionneur de talismans au monde.
PIERRE GERMONT (en haussant les épaules et en levant les yeux)
Et voilà où mène la fortune !
(Ils arrivent devant les portes vitrées de la sortie. PIERRE GERMONT pousse une porte et se met de côté pour laisser passer son assistante).
La folie des grandeurs n’est pas qu’une vue de l’esprit. C’est vraiment une folie.
Il sort à son tour.
Scène 82 – CAMPUS – EXT/JOUR
PIERRE GERMONT et son assistante marchent sur une allée du campus en direction du bâtiment de Linguistique.
EUROPE
Il y a quand même une chose que je ne comprends pas. C’est ce taureau. Pourquoi est-ce à chaque fois la même tragédie qui se produit ?
PIERRE GERMONT
Parce que ces massacres sont la seule manière que ce taureau a trouvé pour communiquer sa spécificité symbolique. C’est la grande énigme des lois du langage.
EUROPE
Oui, mais alors, que veut-il communiquer au juste ?
PIERRE GERMONT
Ce taureau, ne vous parle-t-il donc pas ?
EUROPE (avec un sourire)
Si ce taureau pouvait parler, je pense que ça serait plus facile.
(Elle jette un regard vague vers le bâtiment d’en face).
Oui, bien sûr, ce n’est pas n’importe quel taureau. C’est le taureau d’Europe.
(Elle reste un instant pensive avant de poursuivre).
Je voudrais savoir une chose, Monsieur Germont. Une fois, vous m’avez tenu un discours très intéressant sur le langage, qui disait que les événements ont une influence sur les mots. Mais qu’en est-il alors, au sujet des mots qui se créent ?
PIERRE GERMONT
A quel mot pensez-vous ?
EUROPE
A celui d’Europe, bien sûr.
PIERRE GERMONT
Vous voulez savoir ce qui a rendu ce prénom célèbre ?
EUROPE
Oui, je m’interroge à ce sujet. Est-il possible qu’à l’origine ce soit juste une passion amoureuse ?
PIERRE GERMONT
Oui, c’est possible et c’est même très probable.
Ils atteignent les portes du bâtiment et entrent à l’intérieur.
Scène 83 – HALL BÄTIMENT de LINGUISTIQUE – INT/JOUR
Bâtiment de linguistique. EUROPE et le professeur traversent le hall en direction de l’ascenseur.
EUROPE
Il a déjà existé de très belles passions amoureuses, qui n’ont pourtant pas laissé autant de traces dans le langage. Pourquoi est-ce différent avec cet amour-là ?
PIERRE GERMONT
Parce que ce sont les amours de Jupiter. Où voulez-vous en venir ?
EUROPE
Oh… simplement, je me disais que ce taureau était peut-être l’expression d’un inconscient. Tout à l’heure, j’ai parcouru un livre très intéressant sur le sujet. Un traité de la psychanalyse.
Ils arrivent devant l’ascenseur. PIERRE GERMONT appuie sur le bouton. Les portes s’ouvrent.
PIERRE GERMONT (en faisant signe à EUROPE d’entrer)
Poursuivez…
La jeune femme entre dans l’ascenseur suivi du professeur qui vient se placer juste en face d’elle. Les portes se referment.
Scène 84 – ASCENSEUR – INT/NOIR
Cabine d’ascenseur. PIERRE GERMONT se trouve face à son assistante, dans une proximité troublante. De sa main disponible, il appuie sur le bouton.
EUROPE (troublée, baisse les yeux)
Et bien, vous avez déjà dû entendre comme moi, ces discours qui vous expliquent ce qui peut se produire quand des désirs et des pulsions sexuelles sont refoulés.
PIERRE GERMONT
Que disent ces discours ?
EUROPE
Et bien que le refoulement peut aller jusqu’à la pulsion de mort.
L’ascenseur arrive à l’étage, mais PIERRE GERMONT ne réagit pas, bloquant en même temps son assistante, au moment où s’ouvrent les portes.
PIERRE GERMONT
Quel refoulement ?
EUROPE (en le regardant)
Un refoulement provoqué par des interdits. On ne sort pas ?
PIERRE GERMONT (avec un sourire)
Vous n’avez pas fini vos explications. Quels interdits ?
Les portes se referment.
EUROPE (troublée)
Oh, mais vous savez bien. Vous m’en avez déjà parlé. Nous ne sommes pas libres l’un, l’autre… Et si nous restons là, la lumière va s’éteindre.
PIERRE GERMONT (souriant)
Et bien qu’elle s’éteigne.
EUROPE regarde son interlocuteur dans les yeux avec une soudaine intensité du regard. La lumière s’éteint. PIERRE GERMONT prend son assistante par la taille avec sa main libre, la presse contre lui et l’embrasse sur les lèvres. Il ouvre la porte de l’ascenseur. La lumière revient. EUROPE, sous le coup de l’émotion, ne réagit pas.
Scène 85 – COULOIR BÂTIMENT LINGUISTIQUE – INT/JOUR
Couloir à l’étage du bâtiment de linguistique. PIERRE GERMONT retient la porte de l’ascenseur pour permettre à son assistante de sortir. Elle quitte l’ascenseur.
PIERRE GERMONT
Malheureusement, ce sera le seul que vous allez recevoir de ma part.
(Il prend une clef et se dirige vers la porte de son bureau, suivi de son assistante).
Je vais m’absenter. Je ne serai pas là pendant trois semaines
(Il ouvre la porte et se retourne).
J’ai une famille, vous le savez. Je pars en vacances.
EUROPE (en le regardant dans les yeux)
Vous avez bien fait de m’embrasser. Ce baiser rendra moins insupportables vos trois semaines d’absence.
Scène 86 – BALCON APPARTEMENT EUROPE – EXT/JOUR
Balcon de l’appartement d’EUROPE. Appuyée sur la rambarde, EUROPE observe le paysage de sa rue, pensive. Elle décide de rentrer.
Scène 87 – SALON/SALLE A MANGER APPARTEMENT d'EUROPE – INT/ JOUR
Salon/salle à manger de l’appartement d’EUROPE. EUROPE referme la porte de son balcon. Son regard oblique vers les cartons du déménagement placés près de la fenêtre. Elle plonge la main dans le carton du dessus, en retire le vase (cartons présentés dans la séquence 25). Le vase en main, elle cherche dans la maison une place pour l’installer. Elle le pose sur un meuble. Elle revient vers les cartons. Elle déplace le carton du dessus et ouvre le carton du dessous. Elle se penche pour attraper un poste de télé à écran plat et le dégager de son emballage. Elle prend le poste de télé et le place sur un meuble bas. Elle s’occupe des branchements. Elle récupère la télécommande dans le carton, se place devant l’écran, appuie sur le bouton. L’image apparaît : il s’agit de publicités. Elle pose la télécommande sur la table basse, près du poste et s’en va vers sa cuisine.
Scène 88 – CUISINE APPARTEMENT d'EUROPE – INT/JOUR
Cuisine appartement d’EUROPE. La jeune femme prend dans un placard une casserole et la pose sur une gazinière. Elle sort un récipient contenant une viande. Avec une fourchette, elle pique la viande et la met dans sa casserole. Elle va vers son frigidaire, l’ouvre et sort des carottes.
Scène 89 – SALON/SALLE A MANGER APPARTEMENT d'EUROPE – INT/JOUR
Salon/salle à manger. Écran de télévision. L’image est celle d’un PRÉSENTATEUR de journal télévisé.
PRÉSENTATEUR
Incendie meurtrier cet après-midi, dans un studio de cinéma en Angleterre, à Blackburn, dans le Lancashire. Le responsable serait, d’après les premiers résultats de l’enquête, un taureau utilisé pour les besoins de la production.
Scène 90 – CUISINE APPARTEMENT d'EUROPE INT/JOUR
Cuisine appartement EUROPE. EUROPE, en train de couper ses carottes, redresse la tête et se fige.
VOIX du PRÉSENTATEUR
L’animal aurait, paraît-il, agi avec une agressivité soudaine contre un miroir réflecteur, où il aurait cru voir un autre taureau. Il aurait ainsi renversé des projecteurs et provoqué l’incendie.
EUROPE laisse son couteau et sort de sa cuisine.
VOIX du PRÉSENTATEUR
Mais tout de suite, laissons la parole à Valérie, notre correspondante.
Scène 91 – SALON/SALLE A MANGER APPARTEMENT d'EUROPE – INT/JOUR
Salon/salle à manger. Écran de télévision. Images montrant une vue aérienne de la ville de Blackburn avec un nuage d’incendie (EXT/JOUR). Puis des badauds devant un hangar de cinéma en feu.(EXT/JOUR). Images de l’intérieur du hangar où tout est calciné. (INT/JOUR).
VALÉRIE
Les flammes atteignant les décors qui étaient composés de matières extrêmement inflammables, se sont propagées très rapidement dans tout le hangar. Paniqués, les gens du plateau, installés sur des échafaudages, ont cherché à fuir, mais se sont retrouvés bloqués à l’intérieur, à cause du taureau, resté sur la piste. Mais un danger a remplacé l’autre, car les vapeurs toxiques, très dangereuses dans la chaleur de la fournaise, représentaient un piège redoutable. Arrivés très rapidement sur les lieux, les pompiers n’ont toutefois pas pu réanimer deux jeunes femmes, deux figurantes présentes ce jour- là…
EUROPE prend la télécommande et, d’un geste nerveux, change de chaîne. Nouvelle image, présentant une équipe de rugbymen. L’image est commentée.
COMMENTATEUR
Les joueurs de l’équipe de Rugby de Dublin, mécontents. A mi-chemin, leur avion qui devait les conduire à Saint-Pétersbourg, a dû faire demi-tour.
EUROPE appuie à nouveau sur la télécommande, cette fois, pour éteindre la télévision. Elle demeure abasourdie sur place. Elle décide finalement de prendre son téléphone. Elle compose un numéro et approche le téléphone de son oreille.
EUROPE (d’une voix monocorde)
Allô. Bonjour. Je cherche à joindre Monsieur Castillon, s’il vous plaît.
Scène 92 – SALLE DE BAIN APPARTEMENT d'EUROPE – INT/JOUR
Salle de bains de l’appartement d’EUROPE. EUROPE, devant la glace, se coiffe. Elle pose sa brosse, prend un tube de rouge à lèvres et se met du rouge sur les lèvres. Bruit de la sonnette de l’entrée.
Scène 93 – ENTRÉE APPARTEMENT d'EUROPE – INT/JOUR
Entrée de l’appartement d’EUROPE. EUROPE arrive devant la porte d’entrée et ouvre. Derrière la porte, un CHAUFFEUR de TAXI avec une casquette.
CHAUFFEUR de TAXI
Bonjour Madame. Vous êtes bien Madame Spartanikès ?
EUROPE
Oui, c’est moi-même.
CHAUFFEUR de TAXI
Je suis chauffeur de taxi. Je suis venu vous chercher de la part de Monsieur Castillon. Monsieur Castillon ne peut pas venir vous prendre devant chez vous, parce qu’il revient juste de ses vacances aux Baléares. Il m’a donc chargé de vous conduire à son aérodrome privé.
EUROPE
Je reviens tout de suite.
La jeune femme revient vers son salon/salle à manger en laissant la porte d’entrée grande ouverte.
Scène 94 – TAXI – INT/JOUR
Taxi. EUROPE, installée à l’arrière du véhicule, scrute le paysage par la vitre avant du taxi. Le taxi s’engage dans une rue qui mène à un aérodrome. Sur le côté de la rue, des panneaux de signalisation spécifiques, dont l’un qui indique : « Danger avions roulants », avec le dessin d’un avion.
Scène 95 – AÉRODROME PRIVÉ – EXT/JOUR
Dans un plan d’ensemble, un tarmac occupé par un Cessna. Près de l’aéronef, un petit cercle d’une dizaines de personnes, parmi lesquelles se trouve MONSIEUR CASTILLON. Un peu à l’écart, une casquette sur la tête et les mains dans le dos, VICTOR se tient droit immobile. Le taxi arrive et s’arrête sur le bord du tarmac, près de la Limousine, garée sous un arbre. Le CHAUFFEUR de TAXI descend du véhicule et ouvre la portière arrière à EUROPE, qui descend à son tour. MONSIEUR CASTILLON remarque la nouvelle venue et va à sa rencontre les bras grands ouverts. Le taxi redémarre et s’éloigne. On passe d’un plan d’ensemble à un plan rapproché. Dans le plan rapproché, on remarque que MONSIEUR CASTILLON porte une chemise à fleurs et qu’il a le teint bronzé.
MONSIEUR CASTILLON
Ah, vous êtes là, ma ravissante Europe. Quel plaisir !
(D’un geste, il invite la jeune femme à rejoindre le groupe des personnes présentes sur le tarmac).
Venez que je vous présente à mes amis !
Dans un plan d’ensemble, EUROPE serre tour à tour les mains des amis de MONSIEUR CASTILLON. Elle sourit et remercie poliment d’un mouvement de tête. Son coupé ou léger brouhaha. MONSIEUR CASTILLON et EUROPE quittent le cercle d’amis, ce qui provoque aussitôt sa dislocation. Ils se dirigent vers la Limousine. Ils sont devancés par VICTOR. VICTOR ouvre la porte arrière de la Limousine. MONSIEUR CASTILLON propose à la jeune femme de s’installer.
MONSIEUR CASTILLON
Après vous, Mademoiselle…
(Il s’apprête à rejoindre son coin habituel, près de la fenêtre de droite, mais il s’immobilise soudainement, un genou sur la banquette et le regard fixe sur le dossier. / A VICTOR)
Qu’est-ce que c’est que ça ?
VICTOR
Quoi donc, Monsieur ?
MONSIEUR CASTILLON
Passez-moi votre chiffon !
(VICTOR sort du véhicule. Il tient à la main un carré de tissu en peau de chamois. Il va vers MONSIEUR CASTILLON et tend le chiffon à celui-ci, qui le saisit aussitôt d’un geste nerveux. MONSIEUR CASTILLON s’empresse d’essuyer le dessus de la banquette, ainsi que la plage arrière.)
Ce n’est pas croyable ! Me voilà à peine revenu de vacances que je me retrouve moi-même à faire le ménage dans ma voiture !
(Il sort à reculons et présente le chiffon à son chauffeur).
Non mais regardez-moi ça, Victor. Je n’invente pas !
VICTOR
Je crois bien, Monsieur, que ces petits débris viennent du bouleau et ont été apportés par le vent au moment où le coffre a été ouvert pour y déposer vos valises.
MONSIEUR CASTILLON (emporté)
Et bien tout cela ne serait pas arrivé si le coffre de cette voiture n’avait pas été ouvert sous un arbre !
(Il redonne le chiffon avec dédain).
Tenez, reprenez votre chiffon !
VICTOR (révérencieux)
Si j’ai garé la voiture sous un arbre, c’était précisément pour répondre aux convenances de Monsieur, qui ne veut pas que le soleil tape sur les vitres.
MONSIEUR CASTILLON
Parce que vous pensez que ces deux situations ne sont pas compatibles ! Mais rien ne vous empêche, que je sache, de déplacer la voiture de quelques mètres au moment où vous avez à ouvrir le coffre pour les valises et le coffre une fois refermé, de remettre la voiture à l’ombre.
VICTOR
En effet Monsieur, je reconnais que c’est possible. Je veillerai la prochaine fois à faire comme Monsieur me demande, pour que la situation ne se reproduise pas.
MONSIEUR CASTILLON
C’est que surtout, Victor, il vous aurait fallu avoir assez de jugeote pour que je ne sois pas obligé d’intervenir la première fois ! Alors, en attendant, vérifiez qu’il n’y ait pas d’autres de ces saletés à l’arrière !
VICTOR
Bien, Monsieur.
Le domestique s’exécute en passant le chiffon à la place où doit s’asseoir MONSIEUR CASTILLON. Il sort à reculons du véhicule pour permettre à MONSIEUR CASTILLON de s’installer pour de bon.
Scène 96 – LIMOUSINE – INT/JOUR
Limousine de MONSIEUR CASTILLON.
MONSIEUR CASTILLON (en s’installant./A EUROPE)
Veuillez m’excuser, Mademoiselle, pour ce désolant spectacle.
EUROPE
Oh non, ne vous inquiétez pas pour moi. Je n’ai rien remarqué de particulier, à part votre perfectionnisme en ce qui concerne la propreté.
MONSIEUR CASTILLON
Oui, c’est vrai. J’aime que tout soit impeccable. Enfin, je connais quand même d’autres personnes, bien pires que moi, qui seraient allées vérifier les saletés que cet arbre aurait pu faire sur la carrosserie.
EUROPE
En effet, ces personnes sont bien pires…
MONSIEUR CASTILLON
Bien ! Pour nous remettre de ces émotions, cela vous dirait-il de prendre un petit apéritif ?
MONSIEUR CASTILLON presse sur un bouton, situé sur un coin de la table basse. Le plateau de la table coulisse, révélant à l’intérieur du pied, des bouteilles ainsi que de la vaisselle.
EUROPE
Oh, avec plaisir…
MONSIEUR CASTILLON
J’ai ici, quelques bonnes bouteilles qui me viennent du monde entier. Avec, il y a aussi les verres, ainsi qu’un bac à glaçons.
(Il se penche pour prendre un verre et étudie un instant la netteté du cristal à la lumière. Il tend le verre à la jeune femme).
Tenez. Je vous conseille d’utiliser le porte verre. Le vôtre est situé sur la portière qui est près de vous.
EUROPE
Merci.
EUROPE cherche avec difficulté le porte verre sur la portière. Elle finit par le trouver et le déplie.
MONSIEUR CASTILLON
Que souhaitez-vous boire ?
EUROPE
Oh, je crois qu’il est pour ma part plus judicieux de vous laisser choisir. Car je ne connaîtrai jamais aussi bien que vous le contenu de ces bouteilles.
MONSIEUR CASTILLON
Dans ce cas…
MONSIEUR CASTILLON choisit une bouteille (un alcool d’apéritif), prend un verre pour lui et presse à nouveau le bouton pour faire revenir le plateau à sa place initiale. Il ouvre la bouteille, sert son invitée et se sert. Il enlève le chemin de table sous lequel un creux permet de caler la bouteille et pose la bouteille. Le chauffeur VICTOR attend une consigne, en gardant ouverte sa portière.
VICTOR
Monsieur, souhaite-t-il qu’on y aille ?
MONSIEUR CASTILLON
Mais oui, bien sûr, qu’attendez-vous ? Vous ne voyez pas qu’en laissant cette porte ouverte,vous usez la lampe ?
VICTOR
Monsieur, souhaite-t-il entrer directement au domaine ?
MONSIEUR CASTILLON
Mais oui, comme d’habitude… Quand l’ampoule de cette lampe a-t-elle été changée pour la dernière fois ?
VICTOR
Elle a été changée il y a environ quatre mois, en même temps que les autres ampoules.
MONSIEUR CASTILLON
Je ne vous demande pas une période vague, Victor. Je vous demande la date précise où cette ampoule a été changée.
VICTOR
C’est que… je ne me souviens pas par cœur de la date et, si je regarde dans le carnet, je vais retarder Monsieur.
MONSIEUR CASTILLON (irrité)
Alors, regardez dans le carnet et la prochaine fois, essayez de vous souvenir des dates.
VICTOR (en regardant dans un calepin)
L’ampoule a été remplacée le 20 Mars.
MONSIEUR CASTILLON
Bien. Et si ça se trouve il faudra la changer avant les autres.
VICTOR (en prenant un stylo)
Dois-je noter, Monsieur, que cette ampoule devra être changée avant les autres ?
MONSIEUR CASTILLON
Non. Nous n’allons pas entrer dans des complications de dates, maintenant. Toutes les ampoules seront changées un mois plus tôt, voilà tout.
VICTOR
Donc, je note que toutes les ampoules devront être changées le 20 Octobre à la place du 20 Novembre ?
EUROPE (son verre en main)
Mais pourquoi changez-vous des ampoules qui marchent ?
MONSIEUR CASTILLON
Pour éviter de me retrouver avec des ampoules grillées et des lampes en panne. Cela vous étonne, Mademoiselle ?
EUROPE (repose son verre)
Oui, cela m’étonne assez car toutes les ampoules ont des durées de vie de plus de dix ans et les changer au bout de quelques mois, ça me paraît excessif. Mais bien sûr, ceci n’est qu’un avis personnel…
MONSIEUR CASTILLON
Oui, vous avez sans doute raison et votre avis est le bienvenu car il facilite mes décisions.
(A VICTOR)
Victor, en fin de compte, vous garderez la date du 20 Novembre.
Il boit à son verre.
VICTOR
Entendu, Monsieur.
VICTOR range le carnet et met le contact. La voiture démarre.
MONSIEUR CASTILLON
Vous voulez goûter à une autre bouteille ?
EUROPE
Non merci. C’est très bien comme ça…
MONSIEUR CASTILLON
Dommage que vous ne puissiez pas rester ce soir, pour partager mon dîner.
EUROPE
Oui, je regrette aussi.
VOIX OFF de PIERRE GERMONT
S’il vous propose un rendez-vous, veillez surtout à ce que celui-ci se fasse dans un lieu extérieur.
EUROPE (avec un sourire)
Mais peut-être à une autre occasion…
MONSIEUR CASTILLON (de nouveau détendu)
Alors, de quoi vouliez-vous me parler ?
EUROPE
Je viens vous demander un répit d’un mois pour le taureau.
MONSIEUR CASTILLON
Allons bon…
(Il se redresse)
Vous voulez, si je comprends bien que le taureau s’assagisse et qu’il ne fasse plus parler de lui pendant un mois. C’est bien ça ?
EUROPE
Oui, c’est bien ça. Et surtout qu’il ne fasse pas de nouvelles victimes.
MONSIEUR CASTILLON
Mais je vous avais expliqué que cela ne dépendait pas seulement de moi. Ce taureau agit comme un talisman.
EUROPE
Personnellement, je ne sais pas comment il agit, ni pourquoi. Mais j’ai vu que vous aviez pu relever mon défi. L’avion a bien été détourné à mi-chemin. Je ne sais pas comment vous avez procédé, ni par quels moyens, mais pour moi il est clair que cela signifie que vous pouvez aussi empêcher ce taureau de nuire.
MONSIEUR CASTILLON
Pas sans conditions ! Je vous le répète, Mademoiselle.
EUROPE (en jetant un œil par la fenêtre)
Alors, quelles sont ces conditions ?
MONSIEUR CASTILLON
Ce répit n’est tout simplement pas possible si, par exemple, vous décidez de partir à la poursuite de ce taureau et même simplement si vous cherchez à le voir.
EUROPE (fronce les sourcils)
Je ne comprends pas bien pourquoi, mais puisque vous avez l’air de savoir ce que vous dites, je suis d’accord pour accepter ces conditions.
MONSIEUR CASTILLON
Alors, dans ce cas, c’est à vous d’en faire la demande auprès de ce taureau.
EUROPE
Comment ça ?
MONSIEUR CASTILLON
Vous l’invoquez. Vous lui adressez votre prière.
EUROPE
Et ça marchera ?
MONSIEUR CASTILLON
Oui. Parce qu’il incarne des forces surnaturelles.
EUROPE (fixe soudainement son interlocuteur)
Est-ce que j’ai, au moins, le droit de savoir où il est ?
MONSIEUR CASTILLON
Si vous voulez. Il doit arriver prochainement au Danemark, dans la région du Jutland, où il sera mis dans une ferme refuge.
EUROPE
Vous ne pouvez pas m’en dire davantage ?
MONSIEUR CASTILLON
Non. Je vous ai apporté mon aide. Mais je ne peux pas vous aider plus si je ne vous intéresse pas.
EUROPE
Mais pourquoi craignez-vous que je l’approche ?
MONSIEUR CASTILLON
Je tiens seulement à protéger cet animal, qui reste pour moi un précieux talisman, or je sais aussi qu’on cherche à l’abattre.
EUROPE
Mais cet animal a tué et il continue d’être dangereux.
MONSIEUR CASTILLON : Croyez-vous franchement que c’est cet animal qui tue ? Ne voyez-vous pas que c’est la bêtise des hommes ?
EUROPE
Mais si vous en êtes le propriétaire, n’êtes-vous pas le premier responsable ?
MONSIEUR CASTILLON
Ah oui ? Et ceux qui, la dernière fois, dans des hangars de cinéma, on failli le faire mourir dans un incendie, simplement parce qu’ils avaient négligé des règles de sécurité, ils ne sont pas responsables, ceux-là ?
EUROPE (prudente)
Mais, Monsieur Castillon, ne croyez-vous pas qu’il faille d’abord tenir compte, dans cet incendie, des victimes humaines ?
MONSIEUR CASTILLON (surpris)
Que dites-vous ? Il y a eu des victimes dans l’incendie ?
EUROPE
Comment ça ? Vous ne le saviez pas ?
MONSIEUR CASTILLON
On m’a informé de l’incendie, des destructions matérielles, du taureau qu’il a fallu réanimer, mais c’est tout.
EUROPE
Mais non, ça a été pire. Deux figurantes ont été asphyxiées par les vapeurs toxiques et les secours sont arrivés trop tard pour elles. Comment avez-vous pu louper une telle information ?
MONSIEUR CASTILLON
Comment ? Mais ce n’est pas compliqué : j’étais en vacances !
EUROPE (en se désolant)
Oh non…
Elle enfouit sa tête entre ses mains.
MONSIEUR CASTILLON
Qu’avez-vous ?
EUROPE
Je croyais… En fait, je m’étais persuadée que vous aviez un contrôle total sur cet animal et qu’aucune information le concernant, ne vous échappait.
MONSIEUR CASTILLON
Parce que vous ne m’avez pas écouté.
EUROPE (redresse la tête)
Non. C’est parce que je suis affectée par ces victimes et je n’accepte pas que l’on me rende responsable.
MONSIEUR CASTILLON jette un regard sur sa montre.
MONSIEUR CASTILLON
Un flash vient de commencer, il y a deux minutes, sur Channel 14.
(Glissant une main sous la banquette, il parvient, après quelques tâtonnements, à atteindre un nouveau bouton).
Vous permettez que je regarde ?
EUROPE assiste ébahie au déploiement d’une tablette sur le dos d’un des fauteuils avant. Derrière la tablette, un écran plat.
EUROPE
Oh oui, bien sûr.
MONSIEUR CASTILLON se concentre sur les touches de sa télécommande. Plusieurs images se relayent sur l’écran, rapidement zappées. Apparaissent ensuite les images du reportage, déjà perçu par EUROPE (Idem : SEQ.91) : Images montrant une vue aérienne de la ville de Blackburn avec un nuage d’incendie (EXT/JOUR). Puis des badauds devant un hangar de cinéma en feu.(EXT/JOUR). Images de l’intérieur du hangar où tout est calciné. (INT/JOUR). S’ajoutent l’image d’un taureau couché et mal en point, sur le seuil du hangar, qui est pris en charge par des vétérinaires (EXT/JOUR), puis plusieurs vues lointaines du taureau blanc, qui dans une rue, non définie, attaque des passants. (EXT/JOUR). MONSIEUR CASTILLON monte le son de sa télécommande. Le commentaire du REPORTER est en anglais.
REPORTER
…Des murs noircis par des fumées toxiques, des débris calcinés qui jonchent le sol… Un spectacle consternant qui laisse deviner quels furent ces moments d’horreur vécus par les personnes, présentes sur place, prisonnières au milieu de cette fournaise. Toutes seront évacuées en moins de vingt minutes, mais malgré la rapidité avec laquelle sont intervenus les pompiers, deux jeunes figurantes, Diana et Élisabeth, intoxiquées par les fumées, n’ont pas survécu. A l’origine de cette tragédie, l’agressivité d’un taureau, présent pour les besoins du tournage, qui s’en serait pris au matériel d’éclairage. Un début d’engrenage stupide vers l’horreur car, si ces professionnels du cinéma se sont ensuite retrouvés prisonniers dans le studio, ce ne serait pas, à cause des flammes, comme on pourrait le supposer, mais à cause de la présence du taureau, comme nous le racontent les témoins. Un taureau qui n’en serait pas à son coup d’essai, car son agressivité a déjà fait parler de lui…
(Traduire en anglais / Mettre sous titres).
MONSIEUR CASTILLON appuie sur la télécommande et l’image s’éteint.
MONSIEUR CASTILLON (en reposant la télécommande)
En effet, on déplore de nouvelles victimes. Seulement, cette fois, le taureau n’est pas directement responsable.
EUROPE
Mais ce n’est pas l’avis des journalistes ! Pour eux, c’est l’agressivité du taureau qui est à l’origine du drame. Et il n’ont pas eu du mal à se faire un avis, car ils sont retombés sur des faits précédents. Monsieur Castillon, si un journaliste décide de faire le rapprochement avec toutes les tragédies qui ont eu lieu dans les autres pays européens, la chance va tourner pour vous.
MONSIEUR CASTILLON
Non, Mademoiselle. Parce que ma chance, ce sont mes talismans !
EUROPE
Mais vous êtes le vrai propriétaire de ce taureau et, un jour, on va s’en apercevoir. Aussi le point commun à toutes ces tragédies, ça ne sera plus le taureau, mais vous-même…
MONSIEUR CASTILLON (en haussant des épaules)
Je n’y crois pas. Dans les pays du sud, il y a eu des victimes, simplement parce que des hommes n’ont pas respecté les règlements de la tauromachie. Ensuite, en France, on ne sait même pas s’il y a vraiment eu un taureau. Ce ne sont peut-être que des rumeurs. Et enfin, en Grande- Bretagne, comme je vous l’ai dit, ce n’est pas le taureau qui a fait des victimes, mais l’incendie. Alors, personne ne fera le lien, sauf des fous et tout ça finira par se noyer dans la multitude des faits divers…
EUROPE
Mais ce taureau va continuer à parcourir l’Europe, un pays après l’autre ! Y avez-vous songé ? Et au bout d’un moment, plus personne ne pourra l’ignorer…
MONSIEUR CASTILLON se tourne vers la jeune femme et pose une main sur son avant-bras, simulant un geste de réconfort.
MONSIEUR CASTILLON
Ma chère et belle Europe, je crois que c’est surtout à vous d’arrêter de vous tourmenter. Ne vous sentez pas coupable de ce que ce taureau entreprend avec sa sauvagerie animale. Nous sommes de toute façon, tous des assassins. Avec notre argent et nos certitudes, nous tuons. Le fait de refuser la lucidité, de mal croire à ce qui existe, de promulguer de mauvais conseils, de soutenir de médiocres personnes, d’accuser à tort. Dès le moment où l’argent que nous gagnons pourrait faire, en plus de notre bonheur, celui d’un autre, nous devenons des assassins. Certains sont assassins chaque jour qu’ils partent travailler et d’autres le sont en décidant de ne jamais agir. Nous avons toujours près de nous, de multiples désespérés qui s’apprêtent à franchir le cap du suicide. Parmi eux, beaucoup ont dû envoyer des signaux d’alerte. Et vous, que faites-vous ? Allez-vous partir à leur recherche et essayer d’en sauver quelques-uns ? Non, vous n’allez pas le faire. Alors, vous êtes complice de leur tragédie et cela est bien plus grave que notre histoire de taureau. Car, en vérité, voyez-vous, personne ne dirige cet animal.
EUROPE
Mais ce n’est pas n’importe quel taureau…
MONSIEUR CASTILLON (enlève sa main)
C’est vrai. C’est le taureau d’Europe, l’emblème de Jupiter, mais qu’est-ce que ça change ? L’orage aussi est l’emblème de Jupiter et pourtant il est destructeur et il tue, lui aussi. Dans toutes les religions du monde, le droit de tuer fait partie du droit divin et tout le monde trouve ça normal.
EUROPE
Oh, mais je suis d’accord avec tous vos raisonnements. Sauf que si on voyait Dieu comme un destructeur, et non pas comme un créateur, ce ne serait plus Dieu. De même, un destructeur, quel qu’il soit, ne peut pas détruire ce qui n’existe pas. Autrement dit, l’essentiel n’est pas dans ce qui se détruit, mais dans ce qui se crée, car sinon, je dois m’étonner d’apercevoir encore des gens dans ma rue et d’être moi-même encore vivante. Car si nous sommes tous des assassins, comment expliquez- vous que nous ne soyons pas déjà tous morts ? Mais maintenant, revenons surtout à notre sujet principal qui est ce taureau. Et dites moi ceci : d’après vous, pourquoi cet animal existe ?
MONSIEUR CASTILLON
Il vous attend, sans doute…
EUROPE
J’aimerais savoir : vous ne voudriez pas me le vendre ?
MONSIEUR CASTILLON
Ça non !
EUROPE
En quoi est-il votre destin ?
MONSIEUR CASTILLON
Je réussis à le comprendre. Il éclaire mon chemin, alors qu’il obscurcit le vôtre : je ne peux que vous proposer de rejoindre mon chemin, qui est le chemin éclairé.
EUROPE
Pensez-vous sincèrement que c’est mon destin de vous rejoindre ?
MONSIEUR CASTILLON
Oui, je le pense, parce que c’est l’évidence.
EUROPE, pensive, se tourne vers la vitre teintée alors que la voiture roule lentement. Elle observe la rue : des passants pressés. Une mère avec sa poussette. Un cycliste qui zigzague entre les véhicules. Des hommes d’affaires en chemise et cravate, la veste sur l’épaule à cause de la chaleur. Une marchande de fleurs, à un angle de la rue. Des regards curieux se tournent vers la voiture. La jeune femme regarde à nouveau son interlocuteur.
EUROPE
En fin de compte, je n’ai pas été convaincu par votre défi.
MONSIEUR CASTILLON
Mais c’est pourtant vous, qui l’avez choisi.
EUROPE
Oui, je sais. Mais ce n’était pas assez concret. Il y a des tours de magie qui se font sous vos yeux et qui peuvent vous éblouir de la même façon. Il manque un contact direct et, en fin de compte, la possibilité de vérifier par le toucher.
MONSIEUR CASTILLON
S’il vous faut un nouveau défi, j’accepte.
EUROPE
Oui, cependant, je ne sais pas lequel. Il faut que je réfléchisse.
MONSIEUR CASTILLON
Ce serait maintenant à moi, de vous poser une question.
EUROPE (surprise)
Quoi donc ?
MONSIEUR CASTILLON
Aimez-vous un autre homme ?
Les yeux de la jeune femme s’abaissent. Elle hésite.
EUROPE
Oui, mais c’est, semble-t-il, malgré moi, car il n’y a pas d’avenir possible avec lui.
MONSIEUR CASTILLON
Il n’est pas libre ?
EUROPE
Oui, c’est ça.
MONSIEUR CASTILLON (en levant les bras)
Vous voyez ! Vous le dites vous-mêmes. Vous vous engagez dans une impasse.
EUROPE : C’est vrai.
Pendant quelques instants les yeux de la jeune femme viennent rencontrer le regard de son hôte. Mais celui-ci en vient à regarder devant lui.
MONSIEUR CASTILLON
Nous arrivons chez moi.
EUROPE regarde à son tour. La voiture s’est engagée dans une allée bordée de peupliers. Elle roule doucement jusqu’à un portail monumental, brillant comme l’argent, en forme d’ailes de cygne. En hauteur, de chaque côté du portail, des boîtiers télescopiques de caméras et projecteurs. Au moment où le véhicule arrive à hauteur du portail, dans un déclic, les deux ailes de cygne s’ouvrent. La voiture avance sur une allée, au milieu d’un terrain arboré.
EUROPE
Le coin a l’air vraiment très agréable.
MONSIEUR CASTILLON
Alors, que décidez-vous ?
EUROPE (embarrassée / esquissant un sourire)
Comme je vous l’ai dit, je ne vais pas rester.
MONSIEUR CASTILLON
Dans ce cas, je demanderai à mon chauffeur de vous ramener chez vous.
EUROPE
Oh… Est-ce qu’il ne serait pas plutôt possible, qu’il me dépose à l’université ?
MONSIEUR CASTILLON
Mais oui, bien sûr. Avec moi, tout sera comme vous le souhaitez, ma chère Europe.
Scène 97 – CAMPUS – EXT/JOUR
Campus universitaire. EUROPE avance sur une allée. Le campus est désert. Bruit de ses talons qui résonnent.
Scène 98 – COULOIR CENTRE de RECHERCHE – INT/JOUR
Couloir du Centre de recherche. EUROPE avance vers la première porte et glisse sa carte magnétique dans le boîtier. La porte coulisse. Elle se dirige vers la seconde porte et tape le code.
Scène 99 – CENTRE de RECHERCHE – INT/JOUR
Salle du Centre de recherche. EUROPE avance dans la salle et ne perçoit que le ronronnement des machines, sans remarquer aucune présence. Son regard s’arrête sur une affiche qui représente le visage d’Einstein. Dessous, la citation : « Ne faites jamais rien contre votre conscience, même si c’est l’État qui vous le demande ». Une voix d’homme qui pourrait être celle d’Einstein, dit la citation.
VOIX de NAKISSA
Tiens ! Bonjour…
Surprise, EUROPE se retourne et oriente son regard en direction de la voix. Elle finit par apercevoir NAKISSA, debout, entre deux armoires, qui semble procéder à des relevés. Soulagée, EUROPE sourit.
EUROPE
Bonjour Nakissa.
NAKISSA
N'allez pas chercher quelqu’un d’autre. Il n’y a que moi.
EUROPE
On vous a laissée toute seule ?
NAKISSA (ironique)
Oui, ils ont osé me faire ça, les lâches…
(Elle s’avance vers EUROPE).
En plus de ça, je suis chargée de surveiller toutes ces machines, mais j’espère qu’il n’y aura aucun bug, parce que là, je ne sais pas ce que je fais…
(Elle se met à rire).
En plus, il faut que je vous dise… Ils sont venus faire le ménage, tout à l’heure. Alors, si jamais ils ont touché à un fil ou à un capteur. Et j’en ai vu qui passaient le chiffon tout près des touches et des écrans tactiles, alors là. !
NAKISSA est emportée par un nouvel éclat de rire.
EUROPE
Et vous restez combien de temps ?
NAKISSA
En principe, jusqu’à ce que Jacques vienne me relayer. Il devrait arriver vers 23 h. Parce qu’il vous faut quelque chose ?
EUROPE
J’aimerais simplement pouvoir faire une recherche sur des archives de l’actualité. C’est possible ?
NAKISSA
Oui, je vais vous indiquer où vous mettre. C’est quel type d’archives ?
EUROPE
Il s’agit d’un reportage télévisé d’une chaîne anglaise, Channel 14.
NAKISSA (en montrant un ordinateur)
Alors, installez-vous là et je vais vous montrer comment procéder.
Sur l’écran EUROPE parvient à faire apparaître les images du reportage, principalement les prises de vue où apparaît le taureau. Elle arrête les images afin de mieux les visualiser, grossit certains plans, les passe au ralentit. Puis elle éteint l’ordinateur, se lève et se tourne vers NAKISSA.
EUROPE
Nakissa ?
NAKISSA relève la tête.
NAKISSA
Quoi donc ?
EUROPE
Vous pensez qu’il est possible, pour moi, de m’absenter une dizaine de jours ?
NAKISSA
Oui, bien sûr. Tant que vous ne ratez pas la rentrée universitaire.
EUROPE
Mais je n’ai pas prévenu Monsieur Germont.
NAKISSA
Je me charge de le faire. C’est pour prendre des vacances ?
EUROPE
En effet, ça serait pour prendre des vacances.
NAKISSA
Et vous voulez partir ?
EUROPE
Oui. En Norvège.
NAKISSA
Ah ! Magnifique pays, la Norvège. Vous avez raison. Ses fjords et son soleil de minuit vont vous changer d’ici.
EUROPE se dirige vers la sortie. Elle revient à l’endroit où est affiché le poster d’Einstein avec la citation.
EUROPE (en désignant le poster)
Il est nouveau ?
NAKISSA (en redressant la tête)
Quoi donc ?
(Elle finit par repérer le poster)
Ah… l’affiche ? Oui oui… C’est Jacques qui l’a mise là il y a quelques jours…
Scène 100 – GARAGE AUTOMOBILE – EXT/JOUR
Dans une vue d’ensemble, un garage automobile. EUROPE va à la rencontre d’un garagiste. D’un signe de la main, le garagiste lui demande de le suivre. Ils entrent dans un bâtiment.
Scène 101 – VOITURE LOUÉE AUTOROUTE VIA BRUXELLES – EXT/JOUR
EUROPE conduit une voiture. La voiture est une occasion, de taille moyenne, à la carrosserie un peu abîmée. Elle roule à travers la campagne. La voiture est sur l’autoroute. Apparaissent les panneaux indiquant : « Bruxelles ». Musique
Scène 102 – CENTRE de RECHERCHE – INT/JOUR
Salle du Centre de recherche. NAKISSA, devant un ordinateur, place un casque sur sa tête. Le casque est équipé d’un micro.
NAKISSA (en ajustant le micro)
Allô ! Mademoiselle Spartanikès est partie pour la Norvège. Une dizaine de jours. Elle a pris une voiture. En ce moment, elle traverse la Belgique.
Scène 103 – VOITURE LOUÉE AUTOROUTE ALLEMAGNE – EXT/JOUR
EUROPE, dans sa voiture, roule sur une autoroute allemande. Musique.
Scène 104 – SALLE CENTRE de RECHERCHE – INT/JOUR
Salle du Centre de Recherche. JACQUES, devant un ordinateur, avec sur la tête, comme NAKISSA, un casque équipé d’un micro.
JACQUES (parlant dans le micro)
Vous m’entendez ? Europe Spartanikès est en Allemagne. Elle se dirige vers Kiel.
Scène 105 – FERRY en MER du NORD – EXT/NUIT
Un ferry en mer. EUROPE sur le pont du ferry, accoudée au bastingage, respire l’air du grand large. Musique.
Scène 106 – SALLE du CENTRE de RECHERCHE – INT/NUIT
Salle du Centre de recherche. NAKISSA, devant un ordinateur, place un casque sur sa tête et parle dans un micro (comme dans les séquences précédentes).
NAKISSA
Mademoiselle Spartanikès a embarqué à Kiel. Son ferry arrivera demain à Oslo.
Scène 107 – CENTRE VILLE OSLO – EXT/JOUR
EUROPE flâne dans le centre-ville d’Oslo. Le panneau « OSLO » apparaît. Musique.
Scène 108 – VOITURE LOUÉE / ROUTE de MONTAGNE en NORVÈGE – EXT/JOUR
EUROPE, en Norvège, roule sur une route de montagne. Musique.
Scène 109 – MAISON en NORVÈGE – EXT/JOUR
Norvège. EUROPE, devant une maison peinte en bleue, qui fait pension, discute avec une femme. Elle s’éloigne un moment pour rejoindre sa voiture. Elle revient vers la femme avec ses bagages. La femme l’invite à entrer.
Scène 110 – VOITURE LOUÉE / ROUTE de MONTAGNE en NORVÈGE – EXT/JOUR
EUROPE, en Norvège roule sur une route de montagne. Elle passe sous de longs tunnels.
Musique.
Scène 111 – BATEAU de TOURISTES sur FJORD NORVÈGE – EXT/JOUR
EUROPE, à Bergen, sur un bateau de touristes, visite un fjord. Son regard se tourne vers les cascades. Elle aperçoit un marsouin. Musique.
Scène 112 – VOITURE LOUÉE, FORÊT de NORVÈGE – EXT/JOUR
En Norvège, EUROPE roule sur une route de campagne vers le nord. Elle traverse des forêts. Musique.
Scène 113 – VOITURE LOUÉE / DÉBUT CERCLE POLAIRE – EXT/JOUR
En Norvège, panneau qui indique « Cercle polaire » en différentes langues. Non loin du panneau, la voiture d’EUROPE arrêtée sur un parking. EUROPE dort dans la voiture. EUROPE se réveille et lève la tête. Elle aperçoit un troupeau de rennes. Le paysage alentour est désertique.
Scène 114 –VOITURE LOUÉE / CERCLE POLAIRE – EXT/JOUR
EUROPE roule au milieu d’un paysage montagneux désertique avec lacs et névés. La séquence se termine avec un plan grand ensemble. Musique.
Scène 115 – VOITURE LOUÉE / ILES LOFOTEN – EXT/JOUR
EUROPE se promène dans les Iles Lofoten. Elle pose un regard admiratif sur le paysage composé de montagnes nues, de lacs et de fjords. Elle arrive devant un bord de mer. Elle retire ses chaussures et trempe ses pieds dans l’eau.
Scène 116 – RESTAURANT VILLAGE DE PÊCHEURS / NORVÈGE – INT/JOUR
Restaurant dans un village de pêcheurs. Heure du dîner. Assise à une table, EUROPE ouvre un dépliant touristique sur la Norvège, écrit en français. Sur le haut du dépliant, il est écrit : « Le soleil de minuit ». Un serveur arrive à sa table avec une assiette présentant une variété de poissons. EUROPE referme le dépliant et commence son repas.
Scène 117 – VILLAGE DE PÊCHEURS / NORVÈGE – EXT/JOUR
Village de pêcheurs. EUROPE sur le port, observe à l’horizon, le soleil de minuit.
Scène 118 – VOITURE LOUÉE / CAMPING en NORVÈGE – EXT/JOUR
EUROPE, en voiture, entre dans un camping. Elle gare sa voiture près d’un Bungalow.
Scène 119 – PRAIRIE en NORVÈGE – EXT/JOUR
EUROPE est accoudée sur la barrière d’une prairie où sont parqués des rennes. Elle est pensive. Elle couche sa tête sur la barrière. Bruit d’un meuglement. Elle redresse la tête, surprise. Elle regarde en direction du troupeau de rennes, ne voit aucun bovin. Elle a l’idée de regarder dans sa poche. Elle en sort un téléphone portable, dont la sonnerie est un bruit de vache. Elle regarde le nom qui s’affiche : MONSIEUR VERNEUIL. Elle mord sa lèvre inférieure. A l’expression de son visage, on devine qu’elle se sent fautive. Elle rappelle aussitôt.
EUROPE : Allô… Monsieur Verneuil. Ici, Mademoiselle Spartanikès. Oui, je sais, j’aurais dû être présente, aujourd’hui même, à votre séminaire de phonétique. Je suis vraiment désolée de ne pas vous avoir prévenu. En fait, je pensais rentrer plus tôt de mon voyage. Je suis en Norvège. En fait, je ne serai là que la semaine prochaine. Non, pas avant. C’est entendu, Monsieur Verneuil. Et vraiment, toutes mes excuses. Au-revoir Monsieur Verneuil.
Scène 120 – VOITURE LOUÉE / FORÊT de SAPINS – EXT/JOUR
EUROPE, en voiture, roule à vive allure sur une route qui traverse une épaisse forêt de sapins.
Voix OFF de PSEUDO EINSTEIN (idem SEQ.99)
Ne faites jamais rien sans votre conscience, même si c’est l’État qui vous le demande.
Un gnou surgit sur la route.
Scène 121 – VOITURE LOUÉE / FORÊT de SAPINS – EXT/JOUR
En raccord avec la séquence précédente, le taureau blanc d’Europe surgit sur une route de campagne.
Scène 122 – VOITURE LOUÉE / FORÊT de SAPINS – INT/JOUR
Suite de la séquence 120. EUROPE appuie d’un coup sec sur le frein. Crissement de pneus. La voiture s’arrête brusquement. EUROPE bascule vers l’avant, puis vers l’arrière. Elle aperçoit le gnou, de l’autre côté de la route, qui s’enfonce tranquillement dans la forêt. Soupir de soulagement.
Scène 123 – VOITURE LOUÉE sous CIEL GRIS en CAMPAGNE – EXT/JOUR
Norvège. EUROPE roule sur une route de campagne sous un ciel très gris. EUROPE scrute le ciel. Premières gouttes de pluie. Elle met les essuie-glace. La pluie s’intensifie.
Scène 124 – PORT d'EMBARQUEMENT en NORVÈGE – EXT/JOUR
Port d’embarquement. Pluie et vent. EUROPE attend au milieu d’une file de voitures. En arrière plan, un car ferry avec les portes de parking ouvertes. Un caissier avec casquette et imperméable, muni d’une machine à billets, remonte la file des voitures. EUROPE ouvre sa portière, abritant sa tête avec un sac plastique. Elle va vers le caissier. Elle lui tend un billet.
Scène 125 – VOITURE LOUÉE / SOUTE d'UN FERRY –INT/JOUR
A l’entrée du ferry, pluie et vent. EUROPE, guidée par des gardiens de parking, entre dans la soute du ferry. Elle gare sa voiture.
Scène 126 – SELF RESTAURANT d'UN FERRY – INT/JOUR
Self restaurant à l’intérieur du ferry. EUROPE fait glisser un plateau sur le rail du restaurant au milieu d’une file de passagers. Elle choisit des plats, prend des couverts. Avec les secousses d’une tempête extérieure, les verres s’entrechoquent et parfois les passagers chancellent un peu. Arrivée à la caisse, elle tend une carte bleue. Un appel par haut-parleur, signale en plusieurs langues, (Norvégien, Danois, Anglais) que l’accès aux ponts est interdit en raison de la tempête. Avec prudence, EUROPE prend son plateau et, d’un pas chancelant, choisit une table proche d’un hublot. Par le hublot, elle aperçoit les vagues qui se déchaînent. La pluie se mêlant à l’embrun, vient fouetter les carreaux. EUROPE regarde un instant le hublot, puis commence son repas.
Scène 127 – BOUTIQUES du FERRY – INT/JOUR
EUROPE se promène au milieu des boutiques du ferry. Elle s’arrête devant une librairie papeterie. Elle remarque une carte routière du Danemark sur un présentoir. Elle prend la carte et entre dans le magasin.
Scène 128 – SALON BAR du FERRY – INT/JOUR
Salon bar du Ferry. EUROPE d’un pas chancelant, se dirige à l’intérieur d’un spacieux salon bar. Près du bar, un pianiste joue une musique classique. Derrière, des hublots à travers lesquels on continue à apercevoir la tempête. EUROPE trouve une place sur un canapé confortable. Elle déplie la carte.
VOIX de MONSIEUR CASTILLON
Il doit arriver prochainement au Danemark, dans la région du Jutland, où il sera mis dans une ferme refuge.
EUROPE promène son doigt sur la carte et l’arrête sur le nom : Jutland. Un bruit incongru l’oblige à redresser la tête. Le bruit est celui d’un passager qui, à quelques mètres de la jeune femme, est pris de vomissements. Le passager vomit sur la moquette. Une équipe de nettoyage arrive aussitôt et fait asseoir le malade sur un fauteuil. EUROPE replie la carte. Pendant toute la séquence, musique jouée par le pianiste.
Scène 129 – VOITURE LOUÉE / PORT au DANEMARK – EXT/JOUR
Sortie du ferry. Retour du beau temps. EUROPE, en voiture, sort de la soute du ferry. Elle passe un panneau qui annonce en plusieurs langues : « Bienvenue au Danemark ». Elle franchit le poste de douane, qui est désert.
Scène 130 – VOITURE LOUÉE / CAMPAGNE DANEMARK – EXT/JOUR
EUROPE arrive à une intersection en pleine campagne, au milieu de champs cultivés. A l’intersection, des panneaux. Elle arrête sa voiture à la hauteur des panneaux. Elle jette un œil sur sa carte routière, étalée sur le fauteuil d’à-côté. Elle redémarre.
Scène 131 – VOITURE LOUÉE / JUTLAND AU DANEMARK – EXT/JOUR
EUROPE roule sur une route de campagne, alors que le soleil se couche au milieu des nuages. Elle passe lentement devant un panneau routier sur lequel est inscrit : « JUTLAND ». Un autre panneau routier indique une ville voisine : VIBORG.
Scène 132 – VOITURE LOUÉE, CAMPAGNE DANEMARK – EXT/NUIT
EUROPE roule sur une route de campagne. Elle arrive dans un village et remarque un cycliste avec son vélo à la main. Elle s’arrête à hauteur du cycliste, sort de la voiture avec la carte pour lui demander un renseignement. Le cycliste indique une direction.
Scène 133 – VOITURE LOUÉE VILLAGE DANEMARK – EXT/NUIT
EUROPE roule doucement dans une rue de village. En se penchant, elle remarque les pales de plusieurs éoliennes, faiblement éclairées. Elle repère des bâtiments de ferme en briques rouges, dont certaines fenêtres sont éclairées. Derrière les bâtiments, des pâtures avec des bovins : des Primes Holstein. Elle gare sa voiture à proximité.
Scène 134 – FERME de JESPER / DANEMARK – EXT/NUIT
Façade d’un bâtiment de ferme. EUROPE ouvre un petit portail et se dirige vers la porte d’entrée. Après un instant d’hésitation, elle appuie sur la sonnette. Aboiement d’un chien. La porte s’ouvre. Dans l’entrebâillement, un jeune homme blond, JESPER, retient un dogue par le collier. Il est rapidement rejoint par un autre, plus âgé, le PÈRE de JESPER. Bruit d’un poste de télé allumé. EUROPE, embarrassée, sort une photo du taureau d’Europe. Elle s’exprime en anglais, avec difficulté, en s’aidant d’une gestuelle.
EUROPE (en montrant la photo)
Bonsoir. J’espère ne pas vous déranger. Je cherche cet animal. Il paraît qu’il est dans votre ferme. C’est un taureau blanc, avec une tache noire sur le front…
(Traduire en anglais).
Les deux hommes échangent un regard.
Le PÈRE de JESPER (à son fils)
On peut lui montrer.
(traduire en danois)
JESPER (à son père)
Je m’en occupe.
(traduire en danois).
Le PÈRE de JESPER (à son fils)
Alors, prends la lampe de poche.
(traduire en danois).
JESPER attrape une lampe de poche suspendue à l’entrée, repousse le chien et avance tandis que son père referme la porte. JESPER rejoint EUROPE et lui tend une main pour se présenter.
JESPER (en anglais)
I’m JESPER. I live here with my father. You ?
EUROPE (en anglais/serrant la main)
I’m Europe Spartanikès.
D’un signe de la main JESPER invite la jeune femme à le suivre. Il allume sa lampe de poche. Tous deux contournent la maison.
Scène 135 – CHEMIN DEVANT PATURES au DANEMARK – EXT/NUIT
Un chemin boueux, qui longe des pâtures. Au loin, des éoliennes. JESPER avance sur le chemin, suivi d’EUROPE, équipée seulement de bottines non adaptées à la boue. Par moments, le jeune homme se retourne pour voir si son accompagnatrice peut continuer à avancer. JESPER s’arrête. Il balaye la pâture, occupée par un troupeau de bovins, avec le faisceau lumineux de sa lampe de poche. Il pointe un doigt vers l’avant et recommande à la jeune femme de s’approcher. EUROPE commence à chercher ce qu’il lui montre du doigt, mais ne voit rien de spécial. JESPER braque le faisceau de sa lampe sur le front du taureau. Dans la lumière, se révèle la tête blanche avec la tache noire sur le front. EUROPE plaque ses mains sur son visage.
EUROPE (en proie à l’émotion)
Mais oui, c’est lui !… (traduire en grec / mettre sous titres).
Son regard fixe sans relâche l’animal. Elle est littéralement subjuguée. JESPER commence à manifester des signes d’impatience.
JESPER
Je ne peux pas le vendre. Il n’est pas à moi. S’il vous intéresse, je vous mets en contact avec son propriétaire. Mais, pour l’instant il doit rester ici, car c’est un animal très stressé.
(traduire en anglais / mettre sous-titres)
EUROPE (se tourne vers JASPER)
Je connais son propriétaire.
(Elle regarde à nouveau le taureau).
Vous savez qu’il est dangereux ?
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JESPER
Non, il n’est pas dangereux. Il est seulement perturbé, parce qu’il a été maltraité. Mais ici, il va se refaire une santé.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE
Pour cette nuit, je ne sais pas où dormir. Est-ce qu’il est possible de dormir ici ?
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JESPER
Oui, à Viborg, la ville la plus proche, vous avez des hôtels.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE
Non, je voulais savoir si dans votre ferme, il y avait une chambre. Il me faut juste un lit et je peux payer, si vous voulez…
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JESPER (avec un signe négatif de la main)
Non, vous n’allez pas bien dormir, ici. Il vaut mieux aller à Viborg.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE
Et pourquoi je vais mal dormir ?
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JESPER
Parce que, dans les champs du voisin, cette nuit, il y a une « rave partie » de prévue. Vous allez être dérangée par de la musique technétronique toute la nuit.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE
Oh non, ce n’est pas grave. Ce n’est pas que j’aime vraiment ce genre musique, mais je suis vraiment fatiguée et je pense que je pourrais même m’endormir sous le feu d’un bombardement.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JESPER
Bon. Dans ce cas. Je vais en parler à mon père. On pourra peut-être vous passer une chambre dans une dépendance.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE (en anglais)
Oh… thank you very much !
Ils reprennent le chemin en direction de la maison.
Scène 136 – CHAMBRE DÉPENDANCE DANEMARK – INT/NUIT
Chambre de la dépendance, située au premier étage. Seule la lumière de chevet est allumée. Assise sur le lit en chemise de nuit, EUROPE sort un téléphone portable et une bouteille d’eau d’un sac de voyage qui se trouve à ses pieds. Elle pose les affaires sorties sur une table de nuit. Elle se lève pour fermer la fenêtre, jette un œil au passage, sur le paysage, tire les rideaux. Elle glisse ses pieds dans ses draps, s’allonge, éteint la lumière. Elle s’endort. Au loin, les bruits d’une fête, avec un discours de bienvenue lancé dans un haut-parleur suivi d’une musique techno.
Scène 137 – CHAMBRE DÉPENDANCE DANEMARK – INT/JOUR
Chambre de la dépendance. Crépuscule du matin. EUROPE dort. A travers les rideaux, une lumière bleue qui tourne dans la chambre. A l’extérieur, des chants d’oiseaux et des bruits feutrés de voix. Les paupières de la jeune femme se mettent à bouger. Elle entrouvre les yeux et aperçoit la lumière bleue. Elle se redresse soudainement sur son lit, l’air hagard. Elle regarde vers la fenêtre, se lève finalement pour aller voir. En soulevant le rideau, elle remarque un camion de pompier et une ambulance arrêtés devant la maison de JASPER et de son père. Elle remarque que la lumière bleue est celle du gyrophare de l’ambulance. Près des voitures, plusieurs personnes parlent paisiblement, dont JESPER. EUROPE est tétanisée par cette vision. Elle décide soudainement, de ne pas perdre de temps. Elle enlève hâtivement sa chemise de nuit, enfile un chemisier et un pantalon, se précipite vers la sortie.
Scène 138 – FERME JESPER DANEMARK – EXT/ JOUR
Façade de la maison de JESPER et de son père. EUROPE arrive précipitamment devant la maison. L’ambulance et la voiture de pompier ont disparu. Le groupe des personnes qui discutaient s’est dispersé. JESPER s’apprête à rentrer chez lui.
EUROPE (appelant)
Jesper !
JESPER se retourne et va à la rencontre d’EUROPE.
EUROPE
Que s’est-il passé ?
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JESPER
Il y a eu un accident, cette nuit. L’ambulance vient d’emmener mon père. Il est dans le coma. C’est à cause de votre taureau.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE
Comment c’est arrivé ?
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JESPER
Le chien s’est mis à aboyer dans la nuit. Mon père est sorti. Il est allé voir les bêtes car il a remarqué qu’elles étaient agitées. C’est alors qu’il a aperçu le taureau blanc. Celui-ci attaquait les autres bêtes du troupeau. C’est à cause de la musique, qu’il est devenu agressif comme ça. Alors, mon père a cherché à le séparer du reste du troupeau. Et c’est là que c’est le produit le drame. Le taureau l’a bousculé et lui est passé sur le corps. Il s’est retrouvé dehors, en liberté. A côté, le concert de la rave party battait son plein. Personne n’avait rien remarqué. Pendant plus d’une heure, le taureau s’est promené librement, dans la nuit. C’est alors qu’il a surgi soudainement au milieu du regroupement musical, entraînant aussitôt une cohue et des mouvements de panique. Sa présence a été immédiatement signalé, mais le massacre qu’il a provoqué a été presque aussi rapide. Déjà, deux jeunes décédés et l’on s’attend à ce que le chiffre augmente. Mon père, lui-même, n’est pas tiré d’affaire. Je suis très inquiet à l’idée qu’il ne puisse pas s’en sortir.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE
Je vous comprends. Je vous souhaite bien du courage, pour votre père.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
Scène 139 – HALL HÔPITAL DANEMARK – INT/JOUR
Danemark. Hall d’hôpital. EUROPE arrive dans le hall. Elle va à l’ACCUEIL.
EUROPE
Excusez-moi, Madame. J’aimerais savoir où se trouvent les blessés de la Rave party qui ont été victimes d’un taureau, durant la nuit.
Dame de l’ACCUEIL
C’est dans le bâtiment 6, mais si vous n’êtes pas un proche, vous n’avez pas le droit d’entrer.
EUROPE
Je vous remercie.
Elle quitte le comptoir de l’accueil et se dirige d’un pas décidé vers un couloir.
(traduire les dialogues en anglais / mettre sous-titres).
Scène 140 – COULOIR HÔPITAL DANEMARK – INT/JOUR
Couloir de l’hôpital. EUROPE avance dans le couloir. En face, une INFIRMIÈRE EN CHEF, qui arrive dans l’autre sens. L’INFIRMIÈRE EN CHEF arrête la jeune femme d’un geste énergique.
INFIRMIÈRE en CHEF
Non Madame… Vous ne pouvez pas entrer ! Nous n’attendons aucune visite !
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE fait demi-tour.
Scène 141 – HÔPITAL DANEMARK – EXT/JOUR
Devant l’hôpital. Déçue, EUROPE descend les marches extérieures de l’hôpital. Elle s’arrête, se retourne vers les portes d’entrée de l’hôpital, réfléchit à une solution. Près des portes, un homme la regarde. C’est un JOURNALISTE. Il lui adresse un sourire taquin.
JOURNALISTE
Alors, vous aussi, vous avez été refoulée. Bâtiment 6, c’est ça ?
EUROPE répond par un sourire.
EUROPE
Vous êtes journaliste ?
JOURNALISTE
Pas vous ?
EUROPE
Non. Moi, je m’intéresse au taureau.
EUROPE, un instant, s’éloigne pour voir s’il n’y a pas une autre entrée.
JOURNALISTE
Vous perdez votre temps. Il n’y a pas d’autres entrées. Moi aussi, j’ai eu l’idée de regarder.
EUROPE (en revenant)
Mais si vous êtes journaliste, peut-être que vous savez où se trouve maintenant, le taureau.
JOURNALISTE (avec un soupir)
D’ordinaire, je ne file jamais mes tuyaux. Mais comme vous m'avez l'air sympathique je veux bien vous faire une fleur.
(Arrachant une feuille à un calepin de poche, le journaliste griffonne un mot : NORDEN. Puis il tend le papier à la jeune femme.)
Tenez… C’est le nom de la boîte qui a récupéré le taureau.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE prend le papier.
Scène 142 – COPENHAGUE – EXT/JOUR
Copenhague. Plan de la « petite sirène ». EUROPE, dans une rue, interroge des passants et des commerçants en leur présentant le nom indiqué, sur le papier, par le journaliste. Chacun, par des mouvements négatifs de la tête ou des gestes marquant leur impuissance, montre qu’il ne peut pas renseigner la jeune femme. EUROPE entre dans le hall de la gare.
Scène 143 – HALL de GARE COPENHAGUE – INT/JOUR
Hall de la gare. EUROPE arrête un COUPLE de VOYAGEURS.
EUROPE (en montrant le papier / en anglais)
Excuse-me. Do you know the Society called NORDEN ?
COUPLE de VOYAGEURS (avec un mouvement de bras / en anglais)
No… Sorry…
EUROPE, désespérée, regarde les voyageurs de toute part sans savoir quelle direction prendre. Finalement elle va vers un BALAYEUR.
EUROPE (en montrant le papier / en anglais)
Do you know where is NORDEN society ?
BALAYEUR (secoue négativement la tête / en anglais)
Sorry…
(Le BALAYEUR indique à la jeune femme, le point d’accueil de la gare./ traduire en danois).
Par ici, vous aurez des renseignements.
L’HÔTESSE du POINT d’ACCUEIL lit le papier présenté par la jeune femme.
HÔTESSE du POINT d’ACCUEIL
Oui, je connais cette société. Elle est située à la périphérie de Göteborg, en Suède. Mais pour y aller, ce n’est pas le train qu’il faut prendre. C’est le bateau.
Scène 144 – LIBRAIRIE FERRY – INT/JOUR
Librairie papeterie à l’intérieur d’un ferry. EUROPE arrive devant le magasin et repère, sur un présentoir, une carte routière de la Suède. Elle prend la carte et entre dans le magasin. (Répétition de la séquence 127).
Scène 145 – PONT du FERRY – EXT/JOUR
EUROPE, qui tient en main la carte routière, pousse une porte et va sur le pont du ferry. Elle veut déplier la carte, mais est gênée par le vent. Elle cherche un abri, mais le vent continue de secouer la carte. Un passager vient l’aider. Elle le remercie d’un mouvement de tête.
Scène 146 – VOITURE LOUÉE / GÔTEBORG, SUÈDE – EXT/ JOUR
Göteborg. EUROPE, en voiture, traverse la ville.
Scène 147 – VOITURE LOUÉE ZONE INDUSTRIELLE SUÈDE – EXT/JOUR
EUROPE quitte la ville et se retrouve sur des routes qui traversent une zone industrielle. Sur une pancarte, elle repère le panneau : NORDEN. Elle prend la direction indiquée.
Scène 148 – VOITURE LOUÉE / ZONE INDUSTRIELLE DEVANT SOCIÉTÉ NORDEN – EXT/JOUR
Dans une zone désertique et peu hospitalière, EUROPE aperçoit des murs surélevés et fortifiés, derrière lesquels, sur un mât, est inscrit le nom : NORDEN. Elle gare sa voiture le long du mur et continue à pied afin de contourner le bâtiment.
Scène 149 – ZONE INDUSTRIELLE DEVANT SOCIÉTÉ NORDEN – EXT/JOUR
Entrée de la Société Norden. Un grand portail froid et inhospitalier devant lequel se trouve un groupe de manifestants avec des pancartes et des banderoles. Sur la banderole est écrit : « Non à la torture animale » (en suédois / mettre sous-titre). Quelques manifestants, assis sur des tabourets, jouent du tam-tam, sifflant en rythme, avec des sifflets dans la bouche.
GROUPE de MANIFESTANTS (qui scande )
Non, non, à la torture animale. Norden, nous aurons ta peau. Non non à la torture animale…
(en suédois).
EUROPE s’approche en se bouchant les oreilles. Elle arrive vers un JEUNE MILITANT.
JEUNE MILITANT (élevant la voix)
Cette société utilise des animaux de laboratoire pour tester ses appareils.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE (élevant la voix)
Mais même un taureau ?
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
JEUNE MILITANT (élevant la voix)
Le taureau va leur servir à tester leur nouvelle gamme de saunas amincissants. Le taureau sera d’abord gavé d’aliments gras, qui seront destinés à le faire grossir. Puis il sera soumis à d’épouvantables chaleurs, afin de le faire maigrir.
(traduire en anglais / mettre sous-titres).
EUROPE remercie le militant. Elle prend du recul pour évaluer l’imposante hauteur du portail. Comprenons qu’elle est dans une impasse, elle retourne à sa voiture.